Nathalie Loiseau, députée européenne : « On aurait tort de prendre les discours de Donald Trump à la légère »

Et si Donald Trump avait – en partie – raison ? Une fois de plus, il pointe l’insuffisance, réelle, de l’effort consenti par les Européens pour leur défense. Il le fait à sa manière, transactionnelle, provocatrice et dangereuse : que les alliés paient davantage, sinon ils ne pourront plus compter sur l’aide américaine en cas d’agression. Il n’y a pas pire façon de s’y prendre, puisque Donald Trump met en doute le fondement même de l’OTAN, la clause d’help mutuelle entre alliés, et joue avec l’idée d’« encourager » un agresseur, la Russie, avec laquelle il entretient un rapport ambigu.

Les arrière-pensées du candidat républicain ne doivent, en outre, tromper personne : ce n’est pas seulement à dépenser plus qu’il veut forcer les Européens, c’est bien à acheter plus d’armes américaines, à s’enfoncer toujours plus dans la dépendance vis-à-vis de son bon vouloir, lui dont on connaît les foucades.

On aurait tort de prendre les discours de Trump à la légère et de n’y voir rien de nouveau sous le soleil. S’il parvient à être réélu, le candidat républicain n’aura plus d’« adultes dans la pièce » pour limiter ses embardées. Il purge peu à peu le Grand Old Party de ceux qui lui résistent. Dès à présent, on mesure sa capacité de nuisance au retard délétère qu’il réussit à imposer, par la soumission de ses partisans au Congrès, au vote d’une aide américaine indispensable à l’Ukraine. Si vous avez eu peur de Trump I, les prémices de Trump II devraient nous réveiller, sans attendre sa attainable victoire en novembre.

Malheureusement, Donald Trump a raison sur un level : collectivement, l’Europe n’a pas pris la mesure des menaces qui pèsent sur elle et de la nécessité de renforcer suffisamment sa défense. Bien sûr, il faut saluer la loi de programmation militaire, qui conduit la France à atteindre prochainement le seuil de 2 % du PIB consacrés à ses dépenses militaires. Bien sûr, il faut mesurer la révolution culturelle que traverse l’Allemagne, qui s’attelle à rattraper un retard abyssal en matière de défense. Bien sûr, il faut mesurer la puissance militaire que devient la Pologne. A cet égard, la réactivation du triangle de Weimar entre Paris, Berlin et Varsovie est une excellente initiative.

Le compte n’y est pas

Malgré tout, le compte n’y est pas. Alors que l’avenir de l’Europe est intimement lié à celui de l’Ukraine, l’aide européenne, pourtant sans précédent ni équivalent, ne suffit pas. Le plan européen pour les munitions tarde à produire ses effets ; les avions de chasse promis ne sont toujours pas en place ; Berlin se refuse encore à livrer des missiles Taurus ; Budapest bloque la prochaine tranche de la facilité européenne pour la paix destinée à l’Ukraine. De discussions en arguties, toutes les annonces européennes, à l’exception de la formation de troupes ukrainiennes, ont pris du retard, et les garanties de sécurité que nous avons guarantees à Kiev se font attendre.

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