Polémique autour de la vente d’une partie de la assortment d’artwork de Renault chez Christie’s

« Composition » (1983), d’Henri Michaux. Huile sur toile montée sur carton, 35 cm × 24 cm. Estimation : 4 000-6 000 €

Renault fait partie des quelques entreprises françaises qui ont façonné l’imaginaire des Français. Ce lien d’une marque avec le « roman national », selon la formule de l’essayiste Raphaël Llorca, est le carburant de la contestation d’une vente aux enchères, qui se tiendra le 6 juin chez Christie’s, à Paris, de trente-trois œuvres provenant de la collection Renault, complétée par une dispersion en ligne de dessins d’Henri Michaux.

« Cette vente trahit l’esprit de la collection, elle dénature et défigure un ensemble unique », tonne Delphine Renard, après s’être exprimée dans Le Figaro. Si la psychanalyste monte au front, c’est que cet ensemble a été forgé à partir de 1967 par son père Claude Renard, un cadre supérieur de la Régie, alors entreprise publique, qui voulait rapprocher le monde de l’industrie et la création contemporaine, à une époque où l’art n’était pas l’outil de distinction et de spéculation qu’il est devenu.

Les successions de Jean Degottex, de Simon Hantaï et de Jesus-Rafael Soto, ainsi que celle de l’ancienne conservatrice du Centre Pompidou, Margit Rowell, ayant droit du peintre Georges Noël, ont rejoint son combat. « L’esprit de ce mécénat était de constituer une collection indissociable, qui ne devait en aucun cas être revendue », protestent-ils dans une tribune publiée par Le Monde. Ramuntcho Matta, fils du peintre Roberto Matta, dont cinq œuvres figurent dans la vente Christie’s, s’indigne aussi « qu’un fleuron de l’économie française sacrifie une partie de son patrimoine culturel acheté à des fins sociales ». « Pour mon père, qui m’avait emmené sur ses épaules au piquet de grève des ouvriers de Peugeot, Renault était une firme à part, qui traitait mieux ses employés, ajoute-t-il. Pour lui, cette collection avait une valeur sociale et politique. »

A défaut de pouvoir contester la légalité de la vente, ceux qui ont vu la collection s’enrichir au gré des ans, parfois sans lien avec son cœur de métier, déplorent la méthode. « Ce n’est pas très malin de mettre d’un coup sur le marché trente dessins de Michaux, estimés très bas, annoncés sans prix de réserve. Le message est clair : “On veut s’en débarrasser, baissez-vous pour les ramasser !” », regrette Jean Frémon, codirecteur de la galerie Lelong, à Paris, qui a vendu beaucoup d’œuvres à la marque au losange. Et d’ajouter : « On vendait les œuvres à des prix qui tenaient compte du fait que cette collection était publique et qu’elle n’allait pas être revendue. »

« Logique totalement privée »

C’est l’éthique et l’exemplarité qu’invoque Bernard Ceysson, ancien directeur du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne, reconverti dans le commerce de l’art, regrettant « que Renault soit passé dans une logique totalement privée ». Le capital de l’entreprise, ouvert au privé dans les années 1990, ne laisse plus aujourd’hui que 15 % à l’Etat.

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