« La disparition de la biodiversité devrait donner des insomnies aux dirigeants de toutes les entreprises de l’agroalimentaire »

Le secteur agroalimentaire est sans nul doute le principal responsable de la disparition de la biodiversité au niveau mondial. Du fait des pratiques intensives de production, notre alimentation détruit massivement les écosystèmes terrestres et marins, et se trouve responsable de 80 % de la déforestation.

Pourtant, tout se passe comme si l’industrie agroalimentaire n’avait pas encore bien pris conscience de son impact massif sur la biodiversité. Ce sujet reste encore un point aveugle, invisibilisé par celui des émissions carbone, de la réduction des emballages ou du gaspillage alimentaire.

Rappelons à toutes fins utiles que la biodiversité n’est pas un sujet comme les autres : c’est la clé de voûte de nos systèmes alimentaires. Les vers de terre, les arbres, les champignons, les abeilles sont les ouvriers invisibles (et gratuits) qui permettent aux agriculteurs de produire ce qui nous nourrit. Sans biodiversité, pas de pollinisation, pas de sols fertiles, pas de recyclage des nutriments, pas de régulations des espèces invasives ou des maladies. Sans biodiversité, pas de purification de l’eau et de l’air, pas de régulation du climat par les zones humides.

Conséquences concrètes de très court terme

Pour les entreprises de l’agroalimentaire, la disparition accélérée de la biodiversité à l’échelle planétaire a donc des conséquences très concrètes et de très court terme. Elle accroît les risques d’approvisionnement en matière première, et donc de réduction des marges. Elle accroît les risques sanitaires sur les productions agricoles, et donc de qualité des produits.

Elle accroît les difficultés d’adaptation des chaînes de production aux risques climatiques. Et elle fait porter sur les marques les risques de réputation associés à la destruction des écosystèmes vivants. La biodiversité est un capital commun dont la disparition concerne toutes les entreprises de l’agroalimentaire et devrait donner des insomnies à leurs dirigeants. Force est de constater que ça n’est pas le cas.

Dans tous les secteurs économiques, les stratégies de développement durable des entreprises sont aujourd’hui quasiment toutes focalisées sur la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est évidemment un axe important, mais qui est notoirement insuffisant dès qu’on parle d’alimentation.

Contrairement aux secteurs du transport, de l’énergie ou de l’automobile, l’agriculture et l’agroalimentaire sont des secteurs qui sont en lien direct avec la nature et qui travaillent de la matière vivante. Leur stratégie de durabilité doit donc nécessairement prendre en compte les impacts des pratiques agricoles sur la biodiversité et y intégrer des actions de préservation ou de restauration.

Il vous reste 55.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.