« Il est pressing de mettre en place de nouveaux outils pour corriger les fractures sociales »

La crise profonde que vit la France s’explique aussi par les inégalités dont ses citoyens sont prisonniers, à une époque où le patrimoine s’accumule désormais davantage au travers de l’héritage que par l’entrepreneuriat. France Stratégie prévient qu’avec l’arrivée aux âges de décès, vers 2030, de baby-boomers plus aisés et ayant eu moins d’enfants que les générations précédentes, les destins dépendront davantage encore de l’importance des héritages reçus : ceux qui hériteront hériteront de beaucoup, creusant l’écart avec les autres.

Dans le même temps, les chercheurs Aurélien Delpirou et Frédéric Gilli ont montré que le parti de Marine Le Pen a obtenu de bons résultats lors des élections de 2022 dans des zones rurales où la mobilité sociale est faible ; où le sort des usines et des emplois est décidé par des entreprises situées au-delà des frontières françaises ; où la violence physique est un problème majeur ; et où le dépeuplement est une réalité. En somme, des lieux où les habitants se sentent dépossédés de leur propre destin.

Des élites toujours plus riches, des précaires qui ont perdu toute maîtrise de leur avenir : il est urgent de mettre en place de nouveaux outils pour corriger ces fractures. Les Etats-Unis, confrontés à des défis similaires, puisent dans l’innovation sociale pour y apporter des remèdes. Parmi ceux-ci, émerge discrètement l’idée d’un « capital de départ » pour les jeunes, auquel s’intéressent déjà les législatures du quart des Etats. Quinze sénateurs ont même soutenu une législation nationale en 2021.

Un capital pour l’avenir

L’Etat du Connecticut a été le premier à adopter une loi à l’été 2023 mettant en œuvre un programme de baby bonds. De fait, doter les plus précaires d’un capital pour démarrer la vie d’adulte est considéré comme une clé pour s’attaquer à la transmission générationnelle de la pauvreté. Depuis le 1er juillet 2023, l’éligibilité est automatique si le nouveau-né est couvert par l’assurance santé de l’Etat pour les démunis ; 3 200 dollars (environ 3 000 euros) sont alors investis dans un fonds, le Connecticut Baby Bonds Trust, pour chaque enfant né dans la pauvreté, soit près de 15 000 chaque année.

A terme, chaque dotation s’élèvera à entre 11 000 et 24 000 dollars. La subvention initiale est investie sur les marchés financiers ; plus elle sera réclamée tard, plus elle rapportera. Chaque bénéficiaire pourra encaisser son capital de départ entre 18 et 30 ans pour financer des projets comme le lancement d’une entreprise, l’acquisition d’un diplôme universitaire, l’achat d’une maison, ou sa retraite. Pour en bénéficier, il devra avoir acquis un minimum de connaissances financières, par le biais d’une formation.

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