Guerre en Ukraine : Washington n’exclut plus que ses armes puissent servir à frapper le sol russe

Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, et le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, à Kiev, le 15 mai 2024.

Les Ukrainiens attendaient ce feu vert depuis des mois. En visite à Kiev, mercredi 15 mai, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a, pour la première fois, laissé entendre que les forces ukrainiennes pourraient frapper le territoire russe avec des armes fournies par les Etats-Unis. « Nous n’avons pas encouragé ou favorisé les frappes hors d’Ukraine, mais en fin de compte, c’est à l’Ukraine de prendre ses décisions sur la manière dont elle mène cette guerre », a déclaré le chef de la diplomatie américaine, ouvrant la voie à l’utilisation de matériels occidentaux contre les unités russes situées au-delà des frontières ukrainiennes.

Depuis le début du conflit, les alliés de l’Ukraine étaient inflexibles : interdiction d’utiliser leurs missiles, drones ou obus pour bombarder des cibles situées hors du territoire souverain de l’Ukraine. Seul le sol ukrainien – comprendre la Crimée et la partie du Donbass occupées par les Russes – pouvait être visé. Imposée par peur d’une escalade avec Moscou, cette restriction était respectée par Kiev, qui dépendait trop des livraisons occidentales pour enfreindre la règle fixée par ses alliés.

L’offensive lancée le 10 mai par Moscou dans la région de Kharkiv a changé la donne. Depuis des semaines, les services de renseignement ukrainiens alertaient sur le regroupement de troupes russes de l’autre côté de la frontière nord-est du pays, expliquant que les forces de Kiev n’avaient pas les moyens de les atteindre avec des armes de fabrication locale : les charges explosives de leurs drones sont trop faibles pour « traiter » des concentrations de soldats, à la différence des missiles à sous-munitions fournis par les Etats-Unis. Les Ukrainiens manquent également d’obus pour mener des frappes dites de saturation, destinées à détruire des regroupements d’hommes et de matériels.

« La politique américaine a créé un vaste sanctuaire dans lequel la Russie a pu rassembler sa force d’invasion terrestre et depuis lequel elle lance des bombes planantes et d’autres systèmes de frappe à longue portée pour soutenir sa nouvelle invasion », estime Georges Barros, chercheur au cercle de réflexion américain Institute for the Study of War, dans une note qui a été publiée le 13 mai. Selon les autorités ukrainiennes, 30 000 soldats russes auraient passé la frontière dans la région de Kharkiv et 50 000 autres se trouveraient en réserve pour les soutenir.

Le précédent britannique

Signe d’un changement de posture occidental réfléchi, l’évolution américaine avait été précédée de quelques jours par une première inflexion britannique. Lors d’un déplacement à Kiev, le 3 mai, le ministre des affaires étrangères, David Cameron, s’était dit prêt à autoriser des frappes sur le sol russe avec des armes livrées par Londres. « La Russie cible le territoire ukrainien et il est compréhensible que l’Ukraine ressente le besoin de se protéger », avait justifié l’ex-premier ministre.

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