En Bulgarie, révélations sur une mystérieuse disaster aérienne

LETTRE DE VARSOVIE

Un Tupolev Tu-134 opéré par la compagnie nationale bulgare Balkan Bulgarian Airlines, à l’aéroport d’Orly, en août 1979.

Le 16 mars 1978, un Tupolev Tu-134 de confection soviétique opéré par la compagnie nationale bulgare Balkan Bulgarian Airlines et devant effectuer la liaison Sofia-Varsovie s’écrase près du village de Gabare, en Bulgarie, à environ 80 kilomètres de Sofia. Aucun des 73 passagers, dont trente-sept Polonais, ne survit. Des cyclistes, des jeunes gymnastes, leurs entraîneurs, et quelques touristes se trouvent à bord ainsi que le vice-ministre polonais de la culture de l’époque, Janusz Wilhelmi.

Des cercueils remplis de sable sont livrés aux familles des victimes, en Bulgarie comme en Pologne. Jamais convoqués à la morgue, les proches ne sont pas autorisés à voir les vestiges de l’avion, soigneusement collectés par les autorités. Même à la chute du régime communiste bulgare, en 1990, l’affaire est étouffée. Les familles ont, depuis, toujours été considérées comme affabulatrices.

Dans ce contexte, l’enquête approfondie du journaliste Bozhidar Bozhkov publiée en avril 2024 dans le mensuel bulgare Biograph, et dont la presse polonaise s’est récemment emparée, leur redonne de l’espoir.

« Compte tenu des nouveaux éléments (…), nous demandons votre aide pour élucider les causes de l’accident. Il ne reste que quatre ans d’ici à la prescription de l’affaire. Nous avons le sentiment que justice n’a pas été faite », implorent ces familles dans une lettre adressée au chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, et au ministre de la justice, Adam Bodnar, et reprise dans le quotidien polonais Gazeta Wyborcza.

En 2021, ces mêmes familles avaient demandé à l’Institut de la mémoire nationale, à Varsovie, d’ouvrir une enquête au titre d’un crime communiste commis par les autorités bulgares. En vain.

Communiqués laconiques

Au lendemain de la tragédie, en 1978, les pouvoirs communistes bulgare et polonais se sont bien gardés de s’étendre sur les circonstances du drame, se contentant de laconiques communiqués dans les médias propagandistes qu’ils contrôlaient. « Soixante-six passagers et sept membres d’équipage, voici les seules informations officielles ayant trait aux personnes à bord que le gouvernement communiste bulgare a divulguées aux médias », écrit M. Bozhkov dans son article, ajoutant toutefois que la partie polonaise est allée, elle, jusqu’à publier le nom des disparus.

L’enquête bulgare conclut rapidement à un accident : une panne électrique suivie d’un incendie à bord. Les passagers auraient tenté de l’éteindre, ce qui justifierait que l’appareil ait brusquement tourné une première fois vers la Yougoslavie, puis, une deuxième fois, vers le nord. La tour de contrôle aurait échoué à établir le contact et l’aéronef aurait disparu des radars… Les boîtes noires sont jugées inexploitables. L’affaire est rapidement classée, et comme pour mieux acheter le silence des familles, des indemnisations sont versées en un temps record.

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