Wojtek Kalinowski : « Nous avons besoin d’entrepreneurs qui exigent un changement de modèle »

Wojtek Kalinowski, codirecteur de l’Institut Veblen.

Pour Wojtek Kalinowski, codirecteur de l’Institut Veblen, un think tank spécialisé dans les enjeux de la transition écologique, promouvoir l’économie circulaire ne suffit pas. Il est nécessaire de modifier en profondeur nos modes de vie pour aller vers davantage de sobriété.

Comment définir la sobriété ?

C’est une composante indispensable de la transition écologique. Le seul progrès technique – par exemple, la décarbonation de l’appareil productif – ne suffira pas. Sans sobriété, nous n’allons pas atteindre les objectifs climatiques et environnementaux. Il faut aussi adapter nos modes de vie et limiter la consommation. Cette idée a progressé ces dernières années ; on retrouve par exemple la sobriété dans le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Il ne faut pas réduire la sobriété à des écogestes individuels. Pour consommer moins d’énergie, vous pouvez baisser la température chez vous, mais la plupart des solutions sont collectives, par exemple réduire la surface des logements ou partager les bâtiments publics entre plusieurs usages. Ces efforts doivent être répartis de façon juste au sein de la population, sinon la sobriété sera vécue comme une « écologie punitive ».

Sur le plan économique, la sobriété doit guider nos investissements dans les infrastructures et dans l’appareil productif, pour éviter les effets rebond qui gaspillent les gains d’efficience réalisés grâce au progrès technique. Par exemple, nous avons aujourd’hui besoin de 30 % d’énergie et de matière de moins qu’il y a trente ans pour construire la même voiture. Mais ces gains ont été annulés par l’ajout de nouvelles fonctionnalités et par le choix de fabriquer des voitures plus grandes et plus lourdes. C’est toute la différence entre efficacité et sobriété.

Le capitalisme est-il moins « sobre » que d’autres modèles économiques ?

Le capitalisme organise une surconsommation très inégalitaire des ressources, à une échelle inédite. Mais l’histoire de la prédation et de la gestion insoutenable des ressources naturelles est bien plus ancienne, c’est une histoire de la technique et de l’usage que nous en faisons. D’ailleurs, les économies planifiées de l’ancien bloc soviétique ont été très polluantes et ont gaspillé beaucoup de ressources. Le point-clé, c’est de renforcer la régulation démocratique sur les décisions économiques. Le capital réclame son profit, mais sa demande doit être subordonnée aux objectifs sociaux.

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