UE : « Oublions les chimères de la souveraineté européenne et posons sur la desk la query préalable de la démocratie »

Avec le rapport Draghi, la controverse sur l’avenir de l’Europe a atteint son point culminant : la démonstration de notre angoisse existentielle. Il faut dire que la dynamique structurelle du décrochage européen vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine devient patente. Mais la déchéance vient toujours de loin. C’est ainsi que le rapport Draghi – de même que le deuxième discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron – doit être lu : comme la pointe aiguë d’une longue réflexion entamée avec la crise de la zone euro, survenue quinze ans auparavant, sur les carences de l’Union européenne (UE) dans un monde sorti de la mondialisation heureuse sous parapluie étatsunien.

Sur la forme, l’ex-président de la Banque centrale européenne a le grand mérite d’engager tout son crédit afin de sonner l’alarme générale, à l’heure où Donald Trump revient au pouvoir à Washington et tandis que la France et l’Allemagne connaissent un affaiblissement politique, budgétaire et économique inédit. Sur le fond, le texte nous tomberait presque des mains à la lecture d’une litanie de poncifs ressassés depuis des années : union des marchés de capitaux, délégation de nouvelles compétences à l’UE, passage à la majorité qualifiée pour la politique étrangère et de sécurité commune, intégration de l’industrie européenne de défense, mise sur pied d’une véritable politique économique extérieure, endettement commun pour financer un plan d’investissement massif… Si le ton du rapport Draghi tranche avec la prose lénifiante de ses prédécesseurs, ses analyses et propositions demeurent au fond les mêmes.

Croit-on ainsi pouvoir, avec les mêmes recettes, certes rehaussées d’une dose d’urgence et d’un possible « effet Trump », arracher des Etats membres le sursaut nécessaire ? La réponse ne peut être que négative pour la simple raison que le cœur du problème européen reste une fois de plus le grand impensé : la question politique. Mario Draghi déplore le fait que l’UE fasse moins bien que les Etats-Unis ou la Chine, la faute à son marché intérieur sous-optimal parce que fragmenté, puis propose des solutions fonctionnelles, sans jamais répondre à leurs conditions politiques.

Que faire alors ? Repartir du politique

Car l’UE ne saurait être comparée telle quelle aux Etats-Unis ou à la Chine : elle n’est pas un Etat souverain et ne le sera probablement jamais. Il y a chez les eurocrates comme un déni persistant de cette vérité. C’est à partir d’elle pourtant que toute pensée politique et stratégique européenne doit s’élaborer, sous peine d’être inconséquente. Si l’UE n’est pas un Etat souverain, on ne peut s’attendre à ce que les méthodes propres aux Etats souverains puissent prendre et produire des résultats comparables.

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