Taxe sur les véhicules électriques chinois : les Etats membres de l’Union européenne donnent leur accord

Malgré l’opposition de plusieurs Etats, dont l’Allemagne qui craint une guerre commerciale avec Pékin, les pays membres de l’Union européenne (UE) ont donné leur accord à l’imposition de droits de douane sur les voitures électriques importées de Chine, vendredi 4 octobre, en fin de matinée.

La Commission européenne s’est félicitée d’avoir « obtenu le soutien nécessaire des Etats membres », dans un communiqué, tout en soulignant que Bruxelles et Pékin continuaient de dialoguer pour tenter de trouver une solution négociée. Elle a désormais les mains libres pour mettre en œuvre des droits de douane compensateurs allant jusqu’à 35 % sur les véhicules à batterie de fabrication chinoise, en plus des 10 % de taxe déjà existants. Elle avait proposé en juin de surtaxer les véhicules électriques chinois importés dans l’UE, au terme d’une enquête sur des pratiques déloyales de Pékin dans ce secteur.

L’objectif est de rétablir des conditions de concurrence équitables avec des constructeurs accusés de profiter de subventions publiques massives. Il s’agit de défendre la filière automobile européenne et ses quelque 14 millions d’emplois contre des pratiques jugées déloyales identifiées au cours d’une longue enquête de la Commission.

L’Allemagne redoute une « guerre commerciale »

Les représentants des pays membres de l’UE étaient, comme prévu, très divisés lors du vote.
Le projet de taxes a reçu le soutien de dix Etats membres dont la France, l’Italie et la Pologne. Douze autres se sont abstenus, dont l’Espagne et la Suède qui avaient pourtant exprimé leur hostilité. L’Allemagne, avec quatre autres pays (Hongrie, Slovaquie, Slovénie, Malte) s’est exprimée contre, mais a largement échoué à rassembler la majorité nécessaire pour renverser la décision de la Commission, selon des résultats transmis à l’Agence France-Presse par des diplomates européens.

Ces divisions des Vingt-Sept n’ont pas permis de réunir la majorité qualifiée nécessaire (au moins quinze Etats membres représentant 65 % de la population de l’UE) pour approuver formellement les surtaxes. Mais, faute de vote clair dans un sens ou dans l’autre, l’exécutif européen pourra, comme il en a l’intention, mettre en œuvre ces droits de douane compensateurs qui s’appliqueront aussi aux modèles des groupes non chinois assemblés en Chine.

La Commission « ne doit pas déclencher de guerre commerciale » en dépit de ce vote, a réagi, dans un communiqué, le ministre des finances allemand Christian Lindner, appelant à « une solution négociée » avec Pékin. Les fleurons allemands de l’industrie automobile, BMW, Mercedes et Volkswagen, fortement implantés sur le premier marché mondial, redoutent de faire les frais de mesures de représailles. Volkswagen a d’ailleurs réagi vendredi en dénonçant une « mauvaise approche » de l’UE. Lors d’une visite en Chine en septembre, le premier ministre espagnol Pedro Sanchez, initialement favorable aux droits de douane, avait appelé l’UE à « revoir » sa position.

Poursuite du dialogue avec Pékin

Le montant de ces taxes que va imposer l’UE varie selon le constructeur en fonction du niveau estimé des subventions reçues. Dans le détail, les taxes supplémentaires s’élèveront à 7,8 % pour Tesla, 17 % pour BYD, 18,8 % pour Geely et 35,3 % pour SAIC, selon un document final transmis aux pays membres le 27 septembre. Les autres groupes ayant coopéré à l’enquête européenne se verront imposer 20,7 % de taxes supplémentaires, contre 35,3 % pour ceux n’ayant pas coopéré.

La Chambre de commerce chinoise auprès de l’UE (CCCEU)  « exprime une profonde déception face à ce résultat » et encourage « vivement » l’UE « à retarder la mise en oeuvre des droits de douane et à privilégier la résolution des différends et des tensions commerciales à travers le dialogue », a-t-elle réagi dans un communiqué vendredi. Le pays a déjà répliqué en lançant des enquêtes antidumping visant le porc, les produits laitiers et les eaux-de-vie à base de vin importés d’Europe, dont le cognac.

Un dialogue se poursuit toutefois entre le commissaire européen Valdis Dombrovskis et le ministre chinois du commerce, Wang Wentao, pour tenter de trouver une solution négociée au conflit. A tout moment, les surtaxes pourraient être supprimées si une telle solution permettait de compenser le préjudice identifié par l’enquête européenne.

Cette passe d’armes s’inscrit dans un contexte plus large de tensions commerciales entre les Occidentaux, Washington en tête, et la Chine, accusée de détruire la concurrence dans plusieurs autres secteurs comme les éoliennes, les panneaux solaires ou encore les batteries.

Les mesures européennes, qui se veulent fondées sur des faits et respectueuses des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), diffèrent cependant de la démarche punitive et plus politique des Américains. Dans un communiqué publié vendredi, la Commission a précisé qu’elle poursuivrait ses négociations avec la Chine afin d’explorer une solution alternative pleinement compatible avec les règles de l’OMC.

Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a annoncé le 14 mai une hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois à 100 %, contre 25 % précédemment.

Le Monde avec AFP

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