Signe de la crise de la chimie allemande, Covestro passe sous pavillon émirati

Un employé de l’entreprise chimique Covestro AG vérifie un réservoir de dioxyde de carbone dans son usine de Dormagen, dans l’ouest de l’Allemagne, le 11 février 2020.

Emblématique de l’inventivité, mais aussi du déclin la chimie allemande, Covestro passe sous pavillon des Emirats arabes unis. Le spécialiste des polymères est sur le point d’être vendu au groupe pétrolier Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc). L’opération d’un montant de près de 15 milliards d’euros fait de ce pays du Golfe l’un des acteurs clés d’une des spécialités les plus traditionnelles de la vallée du Rhin, alors qu’Adnoc ambitionne de devenir « un des cinq plus grands chimistes du monde ».

Covestro est né en 2015 d’une scission d’avec le rhénan Bayer, qui voulait se recentrer sur l’agrochimie et la pharmacie. Le groupe allemand, spécialiste des polymères et des plastiques à haute performance, produit des composés incontournables pour l’industrie automobile, l’ameublement, l’électroménager et la construction. Le groupe, entré en Bourse, en 2015, est un des leaders mondiaux du recyclage de plastique.

Ce sont ces spécialités qui ont intéressé Adnoc. Le groupe pétrolier émirati désirait se diversifier, alors que Covestro souffre depuis plusieurs années de l’érosion de la demande et des coûts élevés de l’énergie outre-Rhin. Ahmed Al-Jaber, président d’Adnoc, a décrit le partenariat entre les deux entreprises comme « une alliance idéale ».

M. Al-Jaber est devenu une personnalité médiatisée depuis qu’il a reçu la conférence des Nations unies sur le climat à Dubai, en 2023. Beaucoup se demandaient alors comment il pouvait à la fois prêcher la décarbonation et diriger un des plus grands groupes gazier et pétrolier de la planète. Lui n’y voyait pas de contradiction, mais au contraire « une force ». Les pétrodollars lui permettent en tout cas d’opérer des rachats stratégiques à bon compte, dans une Allemagne qui lutte pour maintenir son socle industriel.

Programme de réduction des coûts

Toute la question est de savoir si le cœur de l’activité de Covestro restera bien implantée le long du Rhin, alors que les ressources en énergie bon marché sont à des milliers de kilomètres. Certes, Adnoc s’est engagé à respecter un accord de maintien des emplois chez Covestro, qui court jusqu’en 2032, ainsi que le principe de codécision, qui implique d’obtenir l’accord des syndicats dans les décisions stratégiques.

« Le plus important est la proximité avec les clients », a également assuré Markus Steilemann, patron de Covestro, dans une interview au Handelsblatt mercredi 2 octobre, où il insiste sur le fait que l’accord d’investissement est un signe d’attractivité pour l’Allemagne. Pourtant, la question du maintien des sites stratégiques outre-Rhin reste posée, à l’heure où les chimistes allemands réduisent la voilure et réorientent leurs investissements.

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