Russie : peine de jail et lueur d’espoir dans l’affaire Gershkovich
Quinze mois d’enquête, trois jours à peine de procès : sans surprise, la justice russe a, vendredi 19 juillet, condamné à seize ans de prison l’Américain Evan Gershkovich, premier journaliste occidental jugé en Russie pour espionnage depuis la fin de la guerre froide. La procédure s’est soudainement accélérée cette semaine, après une première audience qui s’était tenue le 26 juin.
Le tribunal d’Iekaterinbourg, capitale de l’Oural, à près de 1 500 kilomètres à l’est de Moscou, avait initialement convoqué le procureur et les avocats le 13 août pour la reprise du procès à huis clos. Mais le juge a créé la surprise en tenant la seconde et ultime audience jeudi 18 juillet, avec un verdict dès le lendemain.
Contre Evan Gershkovich, 32 ans, correspondant en Russie du Wall Street Journal, arrêté le 29 mars 2023 dans un restaurant d’Iekaterinbourg, les enquêteurs n’ont jamais présenté publiquement le moindre élément de preuve. Comme il est de coutume dans le système judiciaire russe, le tribunal a répété les conclusions du service fédéral de sécurité (FSB, l’un des héritiers du KGB). Dès le début, ils ont accusé Evan Gershkovich de « collecter des informations sur une entreprise du complexe militaro-industriel russe ». Un crime passible de vingt ans de prison. Le procureur en avait requis dix-huit. Avec une peine de seize ans, le juge a eu beau jeu de se montrer clément.
« Un mal pour un bien »
« Cette lourde condamnation pourrait être un mal pour un bien », prévient une source diplomatique occidentale à Moscou. Désormais jugé et condamné, Evan Gershkovich peut maintenant être échangé par le Kremlin contre des prisonniers russes à l’Ouest. Entre la fin de la seconde audience, jeudi, et le prononcé du verdict, vendredi, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a eu le temps de confirmer que la question est en cours de discussion « au niveau des services spéciaux des deux pays ».
En juin, son vice-ministre, Sergueï Riabkov, avait déjà déclaré que la Russie attendait une réponse de Washington : « La balle est dans le camp des Etats-Unis. » Vladimir Poutine s’est lui-même exprimé à plusieurs reprises sur le sujet. Le président russe a ouvertement laissé entendre qu’Evan Gershkovich pourrait être échangé contre un « patriote » qui aurait « éliminé un bandit russe » dans une capitale européenne. Une allusion à Vadim Krassikov, ex-agent du FSB détenu en Allemagne, reconnu coupable du meurtre d’un dissident tchétchène en 2019 dans un parc à Berlin.
Alors que les procès pour espionnage durent généralement des mois en Russie, la rapidité de la justice dans l’affaire Gershkovich pourrait donc signifier une accélération des pourparlers en vue d’un échange de prisonniers. En décembre 2022, le célèbre trafiquant d’armes russe Viktor Bout, incarcéré aux Etats-Unis depuis 2010, avait été échangé contre Brittney Griner, une célèbre basketteuse américaine détenue en Russie.
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