Retraites : le gouvernement accusé d’« affaiblir » le paritarisme
L’affaire est gênante pour un gouvernement qui se dit respectueux des corps intermédiaires. Lundi 2 décembre, la quasi-totalité des syndicats de fonctionnaires – soit huit organisations sur neuf – ont adressé une lettre commune au premier ministre, Michel Barnier, pour dénoncer une « décision » des pouvoirs publics qu’ils jugent « inacceptable » : le changement de gouvernance de l’Ircantec, la caisse de retraites complémentaires des agents contractuels du public. Pour se concrétiser, le choix de l’exécutif nécessite un décret qui n’a pas encore été pris, mais si le texte est publié, il « affaiblit » le paritarisme, selon les signataires du courrier au locataire de Matignon.
L’Ircantec est un régime obligatoire qui verse une pension complémentaire aux anciens personnels « non titulaires » de l’Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics. Y sont également affiliés les élus locaux et certaines catégories de travailleurs exerçant des activités d’intérêt général. A la fin de 2023, il y avait quelque 2,33 millions d’allocataires, tandis que le nombre de cotisants, lui, s’élevait à un peu plus de trois millions.
A l’heure actuelle, cette caisse est pilotée par un conseil d’administration dans lequel siègent, pour l’essentiel, des représentants des bénéficiaires et des employeurs. La présidence est assurée alternativement par un syndicaliste et par une personnalité incarnant le « patronat » du public. Une fonction occupée, aujourd’hui, par Christophe Iacobbi, maire d’Allons (Alpes-de-Haute-Provence), la vice-présidence étant assurée par un membre de la CFE-CGC. Au début de 2025, les positions devaient être permutées (avec le poste de président confié à un responsable syndical et celui de vice-président attribué à un représentant des employeurs publics).
« C’est une vraie provocation »
C’est cet ordonnancement qui est aujourd’hui remis en cause par le gouvernement. Son projet consisterait à désigner une personnalité qualifiée à la présidence du conseil d’administration. Un « passage en force », pour les syndicats, qui demandent au premier ministre de « revenir sur la décision brutale d’imposer une modification (…) sur la gouvernance de l’Ircantec ».
Les intentions de l’exécutif ne sont pas le fruit du hasard. Elles s’inscrivent dans le prolongement d’un rapport au vitriol de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Contrôle général économique et financier (CGEFI). Rendue publique en juillet 2022, cette « évaluation » aboutissait à des constats très sévères : « Gouvernance défaillante qui gagnerait à être profondément réformée », « manque de viabilité financière à long terme », « gestion administrative insuffisamment transparente dont les coûts demeurent élevés », etc. Pour résoudre les difficultés, l’IGAS et le CGEFI formulaient 57 recommandations, dont l’une semble avoir inspiré le pouvoir en place : « Nommer par décret, à la présidence du conseil d’administration, une personnalité indépendante. »
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