Publicité : la renaissance contrariée du spot télévisé
Dix petites secondes ont suffi pour mettre le feu aux poudres. Le 3 octobre, TF1 révèle que l’étalon de référence de ses tarifs publicitaires passera du spot de trente secondes à celui de vingt secondes. Sa régie pourra ainsi en diffuser un plus grand nombre. M6 avait préparé le terrain en faisant une annonce identique, le 24 septembre. Dix secondes qui sapent un peu plus le format le plus prestigieux, et le plus cher, de la publicité. Le plus menacé désormais. Guillaume Pannaud, président du groupe de communication TBWA France (Omnicom), ne décolère pas : « Nous avons besoin d’espace pour créer des imaginaires de marque forts et c’est impossible de le faire lorsqu’on doit consacrer dix secondes pour montrer le produit et qu’il n’en reste plus que dix pour raconter une histoire ! Cette réduction du temps disponible est le symptôme d’un média qui va mal. »
Ce n’est pas un caprice de publicitaire. Le spot TV se brade car la télévision à l’ancienne ne va pas bien. « Nous évoluons dans un marché publicitaire stagnant de 3,38 milliards d’euros en 2023, où l’on a plus de demandes d’annonceurs que d’espaces publicitaires disponibles », se défend Rodolphe Belmer, PDG du groupe TF1, qui reconnaît avoir fait le constat d’une « érosion lente mais pérenne de la télévision linéaire ».
Cela ne signifie pas pour autant la disparition programmée du spot télévisé. Car d’autres acteurs en découvrent soudain les charmes. Tour à tour, Netflix, Prime Video (Amazon) et Disney ont annoncé leur conversion au modèle de financement partiel par la publicité, tandis que YouTube empile les milliards en truffant de petites réclames vidéo l’ensemble de son immense contenu. Sans oublier les réseaux sociaux, de Facebook à TikTok, qui en redemandent. Le spot TV n’est pas mort mais il est condamné à se réinventer, comme tout le monde de la publicité.
Il n’en reste pas moins que s’en prendre au trente secondes, le dépouiller de son rôle de « spot de référence », c’est prendre officiellement acte de la réduction de son rôle à un élément parmi d’autres d’un dispositif média sophistiqué associant savamment formats et canaux de diffusion. Surtout, c’est s’attaquer à un mythe. Pendant près de trente ans, il a coïncidé avec l’âge d’or de la publicité, la grande époque des films les plus spectaculaires et les plus coûteux. Tantôt afin de reconstituer le Carlton de Cannes au Brésil pour le spot « Egoïste » de Jean-Paul Goude pour Chanel. Tantôt pour propulser une Citroën Visa GTI sur un porte-avions avant de la jeter à la mer et la faire resurgir sur le toit d’un sous-marin…
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