Pesticides : « La recherche de compromis, accompagnée d’une indemnisation des victimes, doit cesser d’être pensée comme l’distinctive resolution »
Biodiversité et agriculteurs ne sont plus les seules victimes de l’usage intensif des pesticides. Récemment, le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides a reconnu, le 9 octobre 2024, la contamination in utero de l’enfant d’une fleuriste, mort quelques années plus tard d’une leucémie. Pourtant, ni ces fleurs meurtrières ni toutes les autres preuves de contamination n’ont pour l’instant remis en cause l’utilisation massive des pesticides, alors même que leur toxicité sournoise touchera potentiellement tout un chacun.
On peut faire un parallèle avec l’amiante et ses 100 000 morts, dont la dangerosité était avérée dès les années 1970, mais qui n’a été interdit en France qu’en 1997. Comment expliquer un tel manque de réactivité ? Nous avons cherché à le comprendre en analysant les modalités de prise de décision publique sur ces deux sujets.
Première explication, la démonstration d’un lien de causalité entre l’utilisation d’un produit et la survenue d’une maladie est difficile. Ces pathologies sont souvent multicausales et les symptômes se déclarent des années après la contamination. Deuxième explication, le débat scientifique est perturbé par d’autres enjeux, principalement économiques, avec la question du maintien de l’emploi comme ancrage principal.
Un intérêt démontré pour le statu quo
Face à ces défis, les pouvoirs publics ont cherché à temporiser en multipliant les avis d’experts. Le comité permanent amiante, créé sous l’égide du ministère de la santé en 1982, et perçu alors comme un progrès majeur dans la gestion des problèmes sanitaires, affichait ainsi une composition multipartite censée refléter toutes les opinions.
Dominé par des représentants des industries productrices et utilisatrices d’amiante, il est cependant devenu un cas d’école de comités ad hoc chargés de gérer une controverse mais transformés en groupe de pression. Le comité a ainsi financé toutes sortes d’études parcellaires et contradictoires, donnant l’impression de s’investir pour établir une vérité, mais en créant volontairement une impression de brouillard, en repoussant intentionnellement le moment d’une prise de décision.
Dans le cas de l’amiante, cette action de lobby déguisé a été largement documentée. Le même phénomène s’est malheureusement reproduit pour les pesticides. Les comités d’experts, français et européens, multiplient à l’infini les études avec des périmètres restreints, soutenus par des syndicats professionnels ayant un intérêt démontré pour le statu quo.
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