Patrick Artus, économiste : « Son économie ouverte impose à la France de mener des politiques économiques proches de celles menées dans les autres pays européens »
Lorsqu’on écoute les débats de politique économique actuels, on pourrait croire que la France est un pays isolé, une économie fermée, qui peut mener une politique économique très différente de celle poursuivie par les autres pays de la zone euro. On envisage par exemple des hausses de salaires, des politiques fiscales, des règles du marché du travail qui pourraient être très différentes en France de celles observées dans les autres pays européens.
Or, la France est une économie très ouverte – les importations représentent 28 % du produit intérieur brut (PIB) – qui a, en tant que membre de la zone euro, les mêmes taux d’intérêt à court terme et le même taux de change que les autres pays de la zone euro, dont 55 % de la dette publique est détenue par des non-résidents, et dont la dette extérieure nette atteint 24 % du PIB (la dette extérieure nette est la différence entre la dette extérieure brute et les avoirs extérieurs bruts).
Cette ouverture économique impose à la France de mener des politiques économiques proches de celles menées dans les autres pays européens, en particulier les politiques budgétaires et fiscales, mais aussi salariales, éducatives et les politiques d’emploi.
Faiblesse des compétences
Il existe déjà de fortes différences entre la France et les autres pays de la zone euro. Le déficit public était en 2023 de 3,6 % du PIB dans la zone euro et de 5,5 % en France ; celui prévu pour 2024 est de 3 % dans la zone euro et au moins 5,6 % en France. Le taux d’endettement public est de 110 % du PIB en France début 2024 contre 90 % dans la zone euro, malgré une pression fiscale nettement plus forte en France : 48 % du PIB en 2022 contre 42 % en Allemagne, 38 % en Espagne, 43 % en Italie, 38 % aux Pays-Bas.
Le salaire horaire charges sociales comprises dans l’industrie manufacturière était en 2021 de 43 euros en France, de 44 euros en Allemagne, mais seulement de 31 euros en Italie, de 25 euros en Espagne et de 41 euros aux Pays-Bas.
La France souffre aussi de la faiblesse de ses compétences. Selon l’enquête PISA [programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves] de 2022, la moyenne des scores en mathématiques, lecture et sciences était de 533 au Japon, 506 au Canada, 497 en Australie, 495 en Finlande, 494 en Belgique, 491 en Autriche, 489 aux Etats-Unis, 482 en Allemagne et seulement 478 en France (au même niveau que l’Espagne et l’Italie).
Le taux d’emploi des 15-64 ans était en France de 68 % en 2023, contre 82 % aux Pays-Bas, 77 % en Allemagne et 70 % pour l’ensemble de la zone euro. La faiblesse du taux d’emploi induit celle du niveau du PIB, et donc celle des recettes fiscales. Si la France avait le taux d’emploi de l’Allemagne, le PIB serait d’environ 10 % plus élevé et les recettes fiscales seraient plus élevées de 5 points de PIB.
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