L’intelligence artificielle fera fondre les revenus des créateurs dans la musique et l’audiovisuel
Difficile de prévoir un avenir plus sombre. La toute première étude mondiale commanditée par la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) – qui représente 6 millions de créateurs dans le monde –, publiée mercredi 4 décembre, affirme sans détour que « l’intelligence artificielle [IA] générative menace l’avenir des créateurs », en mettant « en péril leurs revenus au cours des cinq prochaines années ». Plus précisément, selon cette étude confiée à PMP Strategy, les créateurs dans le secteur musical devraient perdre, d’ici à 2028, 24 % de leurs revenus et 21 % dans le domaine audiovisuel. Ce qui représente une perte cumulée de 22 milliards d’euros sur cinq ans.
A contrario, le marché des contenus tant musicaux qu’audiovisuels générés par l’IA va connaître « une croissance exponentielle, en passant dans les cinq prochaines années de 3 milliards d’euros à 64 milliards d’euros en 2028 ». Une manne qui ne profitera en rien aux créateurs, en raison de « l’effet de substitution de l’IA sur leurs œuvres », affirme l’étude.
Sans surprise, les fournisseurs d’IA générative profiteront, eux, pleinement de ces évolutions technologiques et bénéficieront d’une croissance très soutenue. En 2028, ils pourraient engranger des revenus annuels de 4 milliards d’euros pour la musique (contre 0,1 milliard en 2023) et 5 milliards d’euros dans l’audiovisuel (contre 0,2 milliard en 2023). Une manne « directement dérivée de la reproduction non autorisée des œuvres des créateurs » et qui représente « un transfert de valeur économique des créateurs vers les entreprises technologiques », affirme l’étude.
Le doublage et le sous-titrage en première ligne
Par ailleurs, dans la musique, les marchés du streaming et des bibliothèques musicales seront « fortement impactés par l’IA ». Cette dernière devrait représenter un cinquième des revenus des plateformes de streaming musical à l’horizon 2028 et près de 60 % du chiffre d’affaires des bibliothèques musicales.
Les auteurs de l’étude se veulent particulièrement alarmants concernant le sort de certaines professions, comme celles des traducteurs et adaptateurs qui travaillent dans le doublage et le sous-titrage. Ils risquent de perdre 56 % de leurs revenus. Dans la même veine, les scénaristes et les réalisateurs pourraient voir leurs commandes amputées de 15 % à 20 %.
La conclusion de l’étude est sans appel : « en l’absence de changement du cadre réglementaire », les créateurs seront perdants sur deux tableaux. Ils subiront « une perte de revenus due à l’utilisation non autorisée de leurs œuvres par les modèles d’intelligence artificielle générative sans aucune forme de rémunération ». De plus, le remplacement de leurs sources traditionnelles de revenus dû à l’effet de substitution des produits générés par l’IA « viendra concurrencer leurs œuvres de plein fouet ». Cette étude doit, selon le chanteur du groupe ABBA Björn Ulvaeus, président de la Cisac, servir de « guide aux décideurs politiques », dans tous les débats sur la législation sur l’IA.