Les manifestations en Turquie, tout un poème

LETTRE D’ISTANBUL

Au cours d’une manifestation, une étudiante brandit une pancarte où il est écrit : « Nous ne nous inclinons ni devant le pouvoir ni devant l’anarchie. » A Istanbul, le 24 mars 2025.

Dès l’annonce, le 19 mars, de l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, les pancartes et slogans ont fait irruption d’un bout à l’autre des cortèges. Une marée de dessins poétiques et satiriques s’est déversée dans les rues turques, secouant rudement le pouvoir en place à coups d’art brut et de messages spontanés. Sur les campus, dans les lycées et au cœur des villes, un même vent de colère, où les appels à la libération de l’édile, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan, à la tête du pays depuis vingt-deux ans, se mêlent depuis un mois aux revendications démocratiques et populaires.

Ecrites au feutre ou au crayon sur des bouts de carton ou de tissu, les phrases s’envolent. Les mots bourdonnent. Grondent. Se bousculent avec humour et subversion. C’est de la contestation métaphysique (« Du chaos naît l’étoile »). De la critique philosophique (« Nous ferons avec sagesse ce que l’ignorance a détruit »). De la révolte ontologique (« Le monde est à nous » – en français dans le texte).

Là, une institutrice qui tient à bout de bras son affichette : « Désolé les enfants, pas de cours aujourd’hui, votre professeure est en résistance pour votre avenir ». Ici, un étudiant, plus amer, dénonce les dérives d’un pouvoir qui risquent de mettre fin à l’Etat de droit turc : « Parfois, les choses qui nous détruisent se répètent ». Un autre, sous le trait d’une épaisse moustache : « Erdogan, tu as englouti nos vies. »

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