« Le Dialogue social sous contrôle » : la négociation collective comme outil managérial
C’est l’histoire d’une lente décentralisation de la négociation collective, observée en France depuis maintenant une trentaine d’années. Dans l’ouvrage collectif Le Dialogue social sous contrôle (PUF), une dizaine de chercheurs auscultent avec un œil critique cette mue et la volonté constante de l’Etat, réforme après réforme, de moderniser les relations professionnelles et les règles du travail.
Coordonné par Baptiste Giraud, maître de conférences en science politique à Aix-Marseille Université, et Jérôme Pélisse, professeur des universités en sociologie à Sciences Po, l’essai est l’occasion pour les auteurs de donner à voir sur ce qu’ils considèrent comme une « entreprise de mise sous contrôle étatique et patronal », à la faveur en particulier du « renforcement du rôle dévolu aux négociations d’entreprise dans la production des règles du rapport salarial (rémunération, organisation du temps de travail, conditions de travail) ».
L’étude des évolutions du paritarisme est l’occasion pour Jean-Pascal Higelé, maître de conférences en sociologie à l’université de Lorraine, de souligner l’emprise progressive de l’Etat sur la protection sociale. « Le régime général de Sécurité sociale va en effet peu à peu s’étatiser », avec, entre autres, une fiscalisation des ressources dans les années 1990, avec un nouvel impôt, la contribution sociale généralisée (CSG). L’auteur souligne aussi un même mouvement de domination sur l’assurance-chômage. Il conclut : « Il semble bien que le paritarisme ne serve plus à négocier grand-chose face à un Etat devenu hégémonique. »
L’ouvrage s’intéresse en outre au lent glissement du dialogue social des branches vers les organisations, « la négociation collective d’entreprise [étant] pensée aujourd’hui comme l’alpha et l’oméga des politiques du travail et de l’emploi », notent les deux coordinateurs de l’ouvrage. Le « principe de faveur », qui établissait que l’accord d’entreprise ne pouvait être que plus favorable aux salariés que l’accord de branche, sera battu en brèche.
La représentation du personnel affaiblie
In fine, ces négociations au cœur des entreprises sont devenues un « outil managérial, largement contrôlé par les employeurs et mis au service des objectifs de compétitivité des entreprises ». Des directions qui « maîtrisent l’agenda, les enjeux et les périmètres des négociations et sont en capacité d’en faire des usages beaucoup plus offensifs ».
Il vous reste 34.21% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.