« L’autonomie dans la gestion de son temps est la query essentielle posée par la pratique du télétravail »

Le télétravail a été présenté et mis en œuvre par les entreprises comme le pilier de l’organisation du travail, la pierre angulaire des nouveaux rapports au travail. Mais l’enjeu, depuis l’origine, est ailleurs ! Et l’opposition entre présentiel et distanciel, qui cristallise les tensions sociales actuelles – à Ubisoft comme ailleurs… – à l’heure où les entreprises battent le rappel, est représentative de l’erreur de diagnostic qui est faite.

La distanciation physique est seule prise en compte, alors que c’est le rapport au temps qui est en cause. Et les mesures incitatives de retour en entreprise, à grand renfort de sucreries gratuites, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Le télétravail n’a pas tant distendu le lien physique avec l’entreprise qu’il a épuisé le régime formel et hiérarchique du temps de travail.

L’extension généralisée du télétravail porte un enjeu fort d’autonomisation des salariés, toutes catégories confondues, qui vient questionner l’organisation hiérarchique traditionnelle du travail, fondée sur le contrôle. Ce questionnement conduit nécessairement à remettre en cause la gestion du temps de travail, mesure de la subordination.

Temps de travail et autonomie

Le temps de travail est en effet défini comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. Sur cette base, c’est un modèle fondé sur une référence objective et homogène du temps de travail qui détermine les temps de vie collective et sociale.

Bien que le télétravail ne soit pas un mode d’aménagement du temps de travail, la réalité est là : les contraintes personnelles et les impératifs de vie sociale, jusqu’alors logés dans les interstices d’un temps de travail objectif et homogène, sont venus bouleverser le temps de travail.

L’autonomie dans la gestion de son temps pour la réalisation de ses missions apparaît donc être la question essentielle posée par la pratique du télétravail, qui a accentué les mouvements de fractionnement des rythmes collectifs, d’hétérogénéisation et d’individualisation du temps de travail.

En conséquence, le questionnement sur la pratique du télétravail dans l’entreprise doit nécessairement s’accompagner d’une réflexion sur l’aménagement du temps de travail dans le sens d’une plus grande autonomie, y compris pour les salariés qui ne peuvent pas bénéficier du télétravail, et s’estiment dès lors victimes d’une inégalité.

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