L’agence de notation Moody’s dégrade la observe de la France d’un cran, à Aa3, conséquence de la chute du gouvernement Barnier

Siège de l’agence Moody’s, à New York, aux Etats-Unis, en novembre 2021.

Lors d’une annonce surprise, l’agence de notation Moody’s a décidé de dégrader la note souveraine de la France d’un cran à Aa3 avec perspective stable, dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 décembre, le jour même de la nomination du nouveau premier ministre, François Bayrou.

L’agence américaine, qui avait déjà assorti la note française Aa2 d’une perspective négative en octobre, avait prévenu dès le vote de la censure du gouvernement de Michel Barnier, le 4 décembre, que cet événement pouvait avoir un impact « négatif » pour la note souveraine de la France.

« Nous prévoyons que les finances publiques de la France seront considérablement plus faibles au cours des trois prochaines années par rapport à notre scénario de base du mois d’octobre » en raison d’une « fragmentation politique plus susceptible d’empêcher une consolidation budgétaire significative », écrit, dans un communiqué, Moody’s pour expliquer cette annonce inattendue.

« Il est désormais très peu probable que le prochain gouvernement réduise durablement l’ampleur des déficits budgétaires au-delà de l’année prochaine », estime-t-elle.

L’agence a toutefois accompagné la note de crédit de la France d’une perspective stable, considérant que le pays avait des « atouts considérables (…) en matière de crédit, notamment une économie importante, riche et diversifiée ».

Bercy « prend acte »

Moody’s, qui situait la France jusque-là légèrement au-dessus d’autres agences de notation, rejoint à présent ses concurrentes : Standard & Poor’s classe la France au niveau AA− avec perspective stable, et Fitch au niveau AA− avec perspective négative. Le tout reflète encore cependant une bonne, voire haute, qualité de crédit.

Alors que Bercy ne semblait pas s’attendre à une nouvelle dégradation aussi rapide, le ministre des finances français démissionnaire, Antoine Armand, a dit, dans un message sur X, « prendre acte » de la nouvelle note annoncée par Moody’s. Selon lui, « l’agence a mis en avant les récents développements parlementaires et l’incertitude actuelle qui en découle sur l’amélioration de nos finances publiques ».

Alors que le gouvernement Barnier misait sur un déficit public de 6,1 % du PIB cette année, et avait construit ses textes budgétaires sur la base d’un déficit public de 5 % en 2025, pour revenir sous la limite des 3 % tolérée par Bruxelles en 2029, Moody’s n’y croit pas. L’agence de notation anticipe un déficit public stagnant à 6,3 % du PIB en 2025, et toujours à 5,2 % en 2027. Ainsi, au lieu de se réduire, la dette publique passerait de 113,3 % du PIB en 2024 à environ 120 % en 2027.

« Si la capacité d’endettement est depuis longtemps un atout relatif de la France en matière de crédit, cet atout s’érode par rapport à ses pairs bénéficiant d’une note similaire », observe Moody’s.

Bayrou affirme connaître « la difficulté de la situation »

Antoine Armand a estimé, dans son communiqué, que la nomination de François Bayrou et « la volonté réaffirmée de réduire le déficit » apportaient « une réponse explicite » aux inquiétudes de l’agence de notation.

Michel Barnier et François Bayrou ont en effet montré une forte attention à ces questions lors de leur passation de pouvoir, vendredi après-midi. Le désormais ancien chef du gouvernement a voulu transmettre un message solennel : « On aurait tort d’oublier le déficit et la dette (…) faute de quoi ils se rappelleront brutalement à nous tous ».

« Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation », lui a répondu M. Bayrou, rappelant avoir « pris des risques inconsidérés dans [sa] vie politique pour poser la question de la dette et des déficits », faisant référence à des élections, y compris présidentielles, auxquelles il se présentait.

« Et tout le monde disait : “Il est complètement fou, on ne fait pas une campagne sur la dette” », a-t-il rappelé en souriant.

Jugeant qu’il s’agit d’un problème à la fois financier mais aussi « moral », avec le poids que la dette fait peser sur les enfants, le nouveau premier ministre a promis que devant cette situation « héritée de décennies entières », il aurait pour « ligne de conduite » de « ne rien cacher, de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté ».

Le Monde avec AFP

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