Jézabel Couppey-Soubeyran : « Sur le climat, la déraison du cercle de la raison »

L’an 2025 sera climatosceptique ! C’est écrit entre les lignes de l’hommage du premier ministre, François Bayrou, à « l’esprit original » d’un ancien ministre de l’éducation, Claude Allègre, qui déniait le dérèglement climatique. Ecrit à demi-mot dans la parenthèse où la Commission européenne enferme le pacte vert. Ecrit en lettres capitales dans le slogan « pétrolâtre » qui a contribué à réinstaller Donald Trump à la Maison Blanche : « Drill, baby, drill » (« fore, bébé, fore ») ! C’est à désespérer de la raison et de l’entendement dont se targuent tant les gouvernants. La foi dogmatique en les bienfaits du marché, en la croissance sans limites, en la finance sans entraves, en la technologie salvatrice, se drapait jusqu’à présent dans la vertu supposée de la rationalité économique. Elle s’exprime aujourd’hui de manière abrupte et décomplexée, et son caractère déraisonnable et mortifère n’en ressortira que mieux.

Douter de l’origine humaine du dérèglement climatique, dont les synthèses du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont mille fois apporté la démonstration, est déraisonnable. L’est aussi le fait de ne pas voir que ce dérèglement résulte d’un développement économique qui ne tient aucun compte des limites planétaires. Et pourtant, dans la conduite des entreprises, des politiques publiques, comme dans le cadre conceptuel de beaucoup d’économistes, il a toujours semblé jusqu’à présent raisonnable de concevoir la nature comme un réservoir inépuisable de ressources et une poubelle sans fond de déchets.

Faire de celle-ci un bien économique ou un actif n’est pas plus raisonnable. Car pour analyser les interactions entre l’économie et la nature, ce n’est pas la seconde qu’il faut faire rentrer dans la première, mais l’inverse. Dans son rapport « Embedded in Nature », publié en octobre 2024, le Fonds monétaire international laisse espérer que la raison gagne un peu de terrain sur le sujet. En proposant un nouveau cadre conceptuel qui intègre pleinement les limites planétaires et les points de bascule écologiques, il marque une rupture par rapport à la pensée et aux pratiques économiques dominantes, comme le relève l’économiste Alain Grandjean.

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