« Je reviendrai dans mon pays » : en Allemagne, le premier témoignage de trois prisonniers politiques russes échangés
Libres depuis vingt-quatre heures mais déjà prêts à repartir au combat. Lors d’une conférence de presse organisée dans les locaux de la radio-télévision publique Deutsche Welle à Bonn (Allemagne), vendredi 2 août, Vladimir Kara-Mourza, Ilia Iachine et Andreï Pivovarov, trois des opposants au président russe, Vladimir Poutine, libérés la veille par la Russie dans le cadre du plus important échange de prisonniers négocié entre Moscou et l’Occident depuis la fin de la guerre froide, avaient d’abord ce message à faire passer : malgré les efforts déployés depuis des années par le Kremlin pour les réduire au silence, leur détermination et leur combativité sont intactes.
Tout en exprimant leur « gratitude » à l’égard des gouvernements, des ONG et de tous ceux qui ont œuvré à leur libération, les trois hommes ont ainsi tenu à préciser qu’ils n’avaient pas demandé à quitter leur pays. « Personne ne nous a demandé notre consentement. Nous avons été sortis de prison, mis dans un car et embarqués dans un avion », a déclaré M. Kara-Mourza, vice-président du mouvement prodémocratie Russie ouverte, qui, il y a encore une semaine, croupissait dans un établissement de haute sécurité en Sibérie après avoir été condamné à vingt-cinq ans de prison pour « haute trahison » en avril 2023.
« Je ne considère pas ce qui m’est arrivé comme un échange. Je le vois comme une expulsion illégale de Russie contre ma volonté », lui a fait écho M. Iachine, condamné en décembre 2022 à huit ans et demi de réclusion après avoir notamment dénoncé les exactions commises par l’armée russe en Ukraine. « Je vais être honnête : à mon arrivée hier en Allemagne, mon premier souhait était de retourner immédiatement à l’aéroport, d’acheter un billet et de rentrer en Russie. Mais on m’a fait comprendre que le retour rendrait impossible tout autre échange à l’avenir », a rappelé cet ancien compagnon de lutte des opposants Boris Nemtsov, assassiné sous les fenêtres du Kremlin le 27 février 2015, et d’Alexeï Navalny, mort le 16 février 2024 dans une colonie pénitentiaire au nord de la Russie.
S’ils se sont dits heureux que l’échange de prisonniers organisé jeudi ait « permis de sauver seize vies humaines », comme l’a rappelé M. Kara-Mourza, les trois hommes n’en ont pas moins reconnu que celui-ci s’est fait au prix fort, le Kremlin ayant notamment obtenu de l’Allemagne la libération de Vadim Krasikov, un agent des services de sécurité russes, le FSB, condamné à perpétuité outre-Rhin pour l’assassinat d’un ancien commandant séparatiste tchétchène commis en 2019 dans un parc de Berlin. « En échange de remise en liberté d’un tueur, la Russie a libéré une quinzaine de prisonniers innocents. C’est un dilemme difficile mais cela ne peut qu’inciter Poutine à prendre d’autres personnes en otage car c’est toujours ainsi que procèdent les dictateurs », a commenté M. Iachine.
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