« Il faut sauver la filière calédonienne du nickel »

Si la crise profonde que traverse la Nouvelle-Calédonie est liée au projet de réforme constitutionnelle, elle trouve aussi ses origines dans un contexte économique particulièrement difficile pour le Caillou et ses industries, au premier rang desquelles celle du nickel.

Avec trois sites miniers et encore un quart des emplois privés de l’archipel, le nickel occupe en effet une place centrale dans son économie. Mais le « métal du diable », qui a longtemps fait la force de l’archipel, malmène aujourd’hui durement sa santé économique.

Depuis longtemps utilisé pour produire de l’acier inoxydable, il revêt pourtant aujourd’hui une importance croissante dans le cadre de la transition énergétique : il est abondamment utilisé dans les batteries, en particulier celles des véhicules électriques. Mais le diagnostic de la passe difficile que traverse l’industrie nickélifère s’appuie sur un constat simple : entre janvier 2023 et février 2024, le nickel a perdu la moitié de sa valeur, dégringolant de 30 000 à 15 000 dollars la tonne [environ de 27 530 à 13 760 euros].

Les raisons de cet effondrement se trouvent dans une augmentation majeure de l’offre sur les marchés mondiaux, en particulier en provenance d’Indonésie, alors que la demande ne suit pas. En seulement quelques années, l’Indonésie en est devenue le premier producteur mondial, surpassant tous ses concurrents. La production n’y était que de 200 000 tonnes en 2016, avant d’atteindre 600 000 tonnes en 2018, ce qu’aucun autre pays n’avait fait par le passé, ni n’a réussi depuis. Par la suite, la production indonésienne a triplé (1 800 000 tonnes), au point de représenter 50 % du marché mondial en 2023.

Coûts de production plus élevés

Les énormes surplus dégagés par l’archipel indonésien ont engendré une augmentation substantielle de l’offre mondiale, qui a conduit à la baisse drastique des cours. Ces prix très bas sont susceptibles de mettre hors-jeu un certain nombre de producteurs occidentaux (Nouvelle-Calédonie, mais aussi Australie, voire Canada), lesquels sont confrontés à des coûts de production plus élevés (salaires, électricité, contraintes environnementales).

La formidable explosion de la production indonésienne semble bien être une stratégie délibérée.

De la part de Jakarta tout d’abord, qui renforce ainsi son contrôle sur cette ressource, à l’heure où le sous-sol de l’archipel (charbon, nickel, cuivre, étain…) acquiert une place de plus en en plus centrale dans son économie et ses exportations. Inonder les marchés pour pousser les producteurs calédoniens ou australiens à la faillite permettrait à l’Indonésie d’acquérir un quasi-monopole sur le nickel et, par extension, un rôle incontournable dans les composants de batteries.

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