« Il devient pressing de repenser ce que signifie “travailler ensemble” à l’ère des échanges avec des entités artificielles »

Des voix se font de plus en plus entendre en faveur d’un retour à davantage de travail en présentiel, après la vague de télétravail engendrée par la pandémie de Covid-19. On pense à Amazon, qui a récemment imposé à ses troupes de revenir au bureau, ou encore à Ubisoft, qui réclame désormais trois jours de présence hebdomadaire.

Cette demande de présentéisme apparaît pourtant comme un combat d’arrière-garde au moment où l’usage de l’intelligence artificielle (IA) générative se diffuse dans les entreprises, allant jusqu’à remettre en cause l’utilité même des relations entre les salariés.

Une étude récente menée par des chercheurs de l’université Stanford en Californie révèle ainsi que des téléopérateurs récemment embauchés préfèrent interroger des agents conversationnels lorsqu’ils ont une question à poser, plutôt que de solliciter l’aide de leurs collègues expérimentés.

L’adoption croissante d’outils reposant sur l’IA, tels que ChatGPT, Claude.ai ou GitHub Copilot transforme à la fois nos façons individuelles de travailler et les relations au sein des organisations, en particulier dans des secteurs comme le conseil, le droit ou les services numériques, tout ce que l’on nomme l’« économie de la connaissance ». Une telle transformation pose des risques de dégradation des rapports sociaux et de liens au collectif au moins aussi importants que ceux générés par le télétravail.

Préservation des rituels

En utilisant ces outils, on vit ce que le philosophe Jean Baudrillard (1929-2007) appellerait une simulation de dialogue (Simulacres et simulation, Gallimard, 1981). Une illusion d’une relation interpersonnelle qui s’adapterait parfaitement à nos préférences grâce à une succession de calculs de probabilité. Bien qu’elles ne reproduisent pas encore le langage non verbal (gestes, sourires, regards et autres micro-expressions), ces technologies parviennent à générer une forme de présence – et même d’amour – qui peut nous faire oublier leur nature artificielle.

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