En Allemagne, le gel d’un projet d’usine de puces dans la Sarre renforce la dynamique négative qui pèse sur l’économie

Au siège du fabricant de semi-conducteurs Wolfspeed, lors d’une visite du président américain, Joe Biden, à Durham (Caroline du Nord), aux Etats-Unis, le 28 mars 2023.

Où s’arrêtera la série noire qui affecte la politique industrielle du gouvernement d’Olaf Scholz ? L’un après l’autre, les plus grands projets d’implantation annoncés en Allemagne, censés moderniser le pays, sont interrompus, renforçant l’idée d’une puissance économique en déroute. Mercredi 23 octobre, la présidente de la région Sarre, Anke Rehlinger, a ainsi confirmé que Wolfspeed, fabricant américain de semi-conducteurs, avait « reporté » son projet d’usine dans la région. Ce renvoi survient quelques semaines après qu’Intel a fait savoir qu’il repoussait aussi le lancement d’un immense projet d’usine de puces à Magdebourg, un investissement de 30 milliards d’euros, dont près de 10 milliards devaient être financés par l’Etat allemand. Les deux usines pourraient en réalité ne jamais voir le jour.

Ces revers jettent un froid sur l’ambition du chancelier, Olaf Scholz, de faire de l’Allemagne une nation phare de la microélectronique européenne, mais aussi sur toute sa politique économique. Certes, les signes négatifs extérieurs s’accumulaient ces derniers mois. Depuis l’annonce de l’implantation de l’usine de Sarre, début 2023, le groupe américain s’est effondré en Bourse. Le partenaire industriel avec qui il devait financer l’installation sarroise, le sous-traitant automobile allemand ZF, est lui-même en grande difficulté. Surtout, les bases économiques du projet ne sont plus réunies : les ventes de voitures électriques, qui devaient absorber la production, sont en berne en Europe, en particulier en Allemagne. Même les groupes allemands haut de gamme (Mercedes, BMW, Audi, Porsche) ont publié des avertissements sur leurs résultats.

Pour la région de Sarre, frontalière de la France, le report du projet porté par Wolfspeed est un coup dur. L’usine était une pièce majeure du plan de modernisation d’une région longtemps marquée par l’industrie lourde et le charbon. Elle était censée compenser, aussi, la fermeture de l’usine Ford de Sarrelouis en 2025, qui emploie 4 400 personnes et fait vivre 1 300 sous-traitants. Wolfspeed devait produire des puces en carbure de silicium, un matériau innovant réputé pour sa grande résistance et son efficacité énergétique, très adapté pour l’automobile, et 515 millions d’euros de subvention ont été accordés au projet par Berlin, dans le cadre du « plan puces » européen, destiné à renforcer l’autonomie de l’Union européenne en semi-conducteurs, pièces considérées comme stratégiques dans la numérisation et la décarbonation de l’économie.

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