« Depuis son arrivée au pouvoir, Giorgia Meloni a dévoilé ses inclinations illibérales en politique intérieure »

« Duce, Duce, Duce » et « Sieg Heil » (le salut nazi). Des dizaines de jeunes crient le bras levé. D’autres s’amusent, au fil de propos racistes et antisémites. D’autres encore s’extasient, en évoquant les Nuclei Armati Rivoluzionari (Noyaux armés révolutionnaires), une organisation terroriste néofasciste responsable de plusieurs homicides pendant les années 1970, puis de l’attentat à la gare de Bologne en 1980. Voici les images que restitue un documentaire, Gioventù meloniana, diffusé en juin 2024, consacré à Gioventù Nazionale (Jeunesse nationale), le mouvement de jeunesse du parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia (FdI). Le documentaire montre que cette organisation constitue un lieu de radicalisation, soutenu par les dirigeants du parti national. Après de nombreuses réticences, la présidente du conseil a fini par en condamner officiellement les « franges extrêmes ».

L’émoi suscité par la diffusion de ce documentaire est vite passé. La mise au jour des racines fascistes d’un parti politique ne suffit plus, en 2024, pour le délégitimer. Preuve en est qu’à l’automne la popularité de FdI s’est accrue dans les sondages. Deux ans après sa victoire aux élections, les méthodes et la politique de Mme Meloni représentent désormais un « modèle » pour les partis d’extrême droite de plusieurs démocraties européennes.

Le succès de ce parti politique, en effet, est stupéfiant. Parti néofasciste marginal, né juste après la fin du fascisme historique, avec le temps, grâce à son alliance avec la droite traditionnelle, Fratelli d’Italia est devenu le premier parti national. Giorgia Meloni semble avoir réussi à trouver la clé pour résoudre ce que Giorgio Almirante, le fondateur du parti en 1946, appelait « l’équivoque d’être fascistes en démocratie » : en d’autres termes, comment demeurer fidèles à une identité autoritaire, tout en s’adaptant au nouveau contexte démocratique.

Tendance à la concentration du pouvoir

Dès son arrivée au pouvoir, la présidente du conseil a fait face à cette ambiguïté en adoptant un double discours : derrière des postures libérales en matière économique et atlantistes sur la scène internationale, elle a dévoilé ses inclinations illibérales en politique intérieure.

La stratégie a fonctionné. Mme Meloni a multiplié les gages en direction des marchés, de l’Union européenne (UE) et de l’Alliance atlantique, ce qui lui a valu, en septembre, d’obtenir le Global Citizen Prize, décerné par le think tank américain libéral Atlantic Council. En matière de politique migratoire, l’externalisation de la demande d’asile des migrants, sur le fondement d’un accord conclu avec l’Albanie, a été louée par la présidente de la Commission de l’UE, Ursula von der Leyen, et par divers gouvernements européens, notamment français, en dépit des graves atteintes aux droits fondamentaux que cette procédure implique.

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