« Dans le déni, les Européens veulent encore se reposer sur leur allié américain comme si rien n’avait changé »

L’avertissement a un petit air de déjà-vu. A quelques jours d’une élection présidentielle américaine que l’Europe attendait aussi tétanisée que la biche devant les phares d’une voiture, le premier ministre polonais, Donald Tusk, a appelé le Vieux Continent à se ressaisir. Il est temps « pour l’Europe de grandir enfin et de croire dans sa propre force, a-t-il écrit sur le réseau social X. Quel que soit le résultat [de l’élection aux Etats-Unis], l’ère de la sous-traitance géopolitique est révolue ».

Il y a sept ans, Angela Merkel, alors chancelière, tirait une conclusion similaire lors d’un premier sommet particulièrement pénible avec le tout nouveau président Donald Trump. « Nous Européens devons vraiment prendre notre destin en main, disait-elle sombrement le 28 mai 2017. Nous devons nous battre pour notre avenir, pour notre destinée, seuls, en tant qu’Européens. » Et puis ? Et puis rien. Les dépenses militaires de l’Allemagne ont progressé de 1,15 % du produit intérieur brut (PIB) en 2016 à… 1,33 % en 2021, alors que l’OTAN avait recommandé un minimum de 2 % dès 2014.

Sept ans ont passé, la guerre fait rage en Ukraine, 10 000 soldats nord-coréens sont arrivés en Russie pour être déployés sur le front, Trump menace de revenir au pouvoir et l’Europe n’est toujours pas prête. Signe des temps, c’est aujourd’hui un Polonais qui sonne l’alarme – le successeur de Mme Merkel, Olaf Scholz, est lui-même assez mal en point, occupé à tenter de sauver une coalition gouvernementale qui n’en finit pas d’agoniser.

Pourquoi un Polonais ? Parce que, si l’Ukraine s’effondre, son pays, aux premières loges, ne veut pas revivre les traumatismes des siècles précédents. Au prix d’un effort budgétaire remarquable, Varsovie consacre, en 2024, 4,1 % de son PIB aux dépenses de défense, dont la moitié en acquisition d’armements. Mais le pays se fournit-il en Europe ? Non. Chars et avions sont pour l’essentiel commandés aux Etats-Unis et en Corée du Sud. Même pour la Pologne si volontariste, mettre fin à « l’ère de la sous-traitance », ça ne va pas de soi.

Prise de guerre

Ce n’est certainement pas de ses voisins d’Europe centrale que viendra la solidarité. Le 31 octobre, Peter Szijjarto, chef de la diplomatie hongroise, était à Minsk pour participer à une conférence organisée par le régime le plus terrible d’Europe, celui du dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko. Plus aucun responsable européen ne s’était rendu à Minsk depuis la répression de 2020, mais cela ne saurait dissuader le Hongrois, qui en a profité pour critiquer les sanctions des Vingt-Sept contre la Biélorussie et la Russie. Il a d’ailleurs rencontré à Minsk son collègue russe, Sergueï Lavrov, avec lequel il entretient des contacts réguliers, aussi réguliers que ceux de son chef de gouvernement, Viktor Orban, avec Vladimir Poutine. Les 28 et 29 octobre, M. Orban, dans un ostensible pied de nez à ses homologues européens, se rendait en visite officielle en Géorgie pour soutenir un régime en plein recul démocratique, au lendemain d’élections entachées d’irrégularités.

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