Comment l’Occident perd la bataille internationale de l’info
D’abord, franchir la porte blindée. Puis passer le sac au détecteur d’explosifs et de métaux. Ensuite, se plier à deux vérifications de la carte d’identité, par deux gardiens différents. L’entrée à Radio Free Europe (RFE), dont le siège est situé à Prague, suit les normes de sécurité des ambassades américaines et donne l’impression de pénétrer dans une forteresse. Dans le hall, le mémorial dressé aux 19 journalistes assassinés depuis la création de ce média américain, en 1950 – dont trois depuis 2020 –, justifie immédiatement ces précautions.

« Désolée, c’est un peu déprimant en ce moment, les salles sont à moitié vides », lance Alsu Kurmasheva. La journaliste d’origine tatare, une minorité en Russie, qui a aussi la nationalité américaine, a passé neuf mois dans des prisons russes entre 2023 et 2024 pour des chefs d’accusation fantaisistes. Mais ses premiers mots ne sont pas pour sa détention, ni même pour les quatre autres journalistes de RFE encore emprisonnés à travers le monde. L’urgence, pour elle, c’est la crise existentielle que traverse son média, qui a mis une partie de la rédaction au chômage partiel.
Vendredi 14 mars, le président américain, Donald Trump, classait l’audiovisuel extérieur américain parmi les activités « inutiles » de la « bureaucratie ». Le lendemain, Kari Lake, nouvelle « conseillère senior » propulsée à la tête de l’Agence des Etats-Unis pour les médias publics américains diffusant à l’international (USAGM, selon son acronyme anglais), décidait de mettre fin aux différents médias qu’elle supervisait : « Cette agence ne peut pas être sauvée. » Les émissions de Voice of America, agence fédérale américaine qui diffusait dans près de 50 langues à travers le monde, ont été immédiatement interrompues et son personnel mis en congés forcés – des recours judiciaires sont en cours. Middle East Broadcasting Networks, qui a une télévision en arabe ainsi que des podcasts et cinq sites Internet sur le Moyen-Orient, a été contrainte d’annoncer un grand plan de licenciement, le 12 avril. Radio Free Asia, qui diffusait dans neuf langues (vietnamien, birman, khmer…), a déjà dû en arrêter trois.
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