Ces espions « illégaux » si chers à Poutine
Tenant chacun un enfant par la main, un couple descend, jeudi 1er août, de l’avion officiel qui vient de se poser de nuit sur le tarmac de l’aéroport Vnoukovo, à Moscou. En bas de la passerelle, le président russe, Vladimir Poutine, se tient prêt, un énorme bouquet à la main. Il embrasse la femme qui ne peut réprimer un sanglot, lui tapote le dos, baise encore son épaule. A la petite fille de 12 ans et à son frère de 9 ans qui n’ont pas l’air de réaliser, il glisse un surprenant « Buenas noches ». Jamais, le chef du Kremlin n’a témoigné une telle compassion en public, pas même pour les victimes d’actes de terrorisme dans son pays.
Derrière le dirigeant russe, la garde présidentielle, raide comme un piquet, ajoute à la solennité du moment, captée par les caméras de télévision russes. Le plus grand échange de prisonniers, depuis la chute de l’URSS en 1991, vient de s’achever entre la Russie et l’Occident. Contre la libération de seize prisonniers politiques russes et binationaux, opposés à la guerre, le Kremlin récupère huit Russes détenus dans plusieurs pays, escrocs, criminels, et espions.
Parmi ces derniers, Vadim Krasikov, alias Vadim Sokolov, qui purgeait une peine de prison à vie en Allemagne pour l’assassinat à Berlin, en 2019, d’un Géorgien ayant combattu auprès des séparatistes tchétchènes, est sorti le premier de l’avion. « Il a servi dans Alfa », une unité d’élite des services de renseignement du FSB, les services russes de sécurité, s’est rengorgé Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Il a même « servi avec plusieurs employés [actuels] du service de sécurité du président », ajoutait-il.
Mais le plus important, c’est le couple. Des illégaux. Des espions travaillant sous couverture complète. Des héros, aux yeux de Vladimir Poutine. Arrêtés en décembre 2022, à Ljubljana, la capitale slovène, où ils s’étaient installés cinq ans auparavant, en 2017, Artiom Doultsev et Anna Doultseva s’étaient créé des identités argentines. Elle, sous le nom de Maria Rosa Mayer Munos, d’origine grecque et née le 6 avril 1984, selon son passeport valable jusqu’en 2032, tenait une galerie d’art en ligne. Lui, Ludwig Gisch, né également en 1984, dirigeait une start-up dans l’informatique.
Les enfants « ne parlent pas russe »
Dans la maison aux couleurs pastel qu’ils occupaient à Ljubljana, les enquêteurs ont trouvé des ordinateurs équipés d’un système permettant de communiquer avec le « Centre », Moscou dans le jargon de l’espionnage russe, si bien crypté que ni les techniciens slovènes ni leurs homologues américains n’ont pu le craquer, rapportait, en juin, The Wall Street Journal. Dans un compartiment secret de leur réfrigérateur, relevait également le quotidien américain, le couple conservait des centaines de milliers d’euros en billets de banque.
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