Au Nigeria, à bord du RER de Lagos, un luxe uncommon en Afrique subsaharienne

A Lagos, le stress du départ au boulot signifie qu’on peut passer chaque matin trois heures, voire quatre, à tenter de rallier son lieu de travail. Il faudra ensuite rentrer chez soi. Ville de tous les superlatifs, aussi vibrante que chaotique, la capitale économique nigériane, forte de près de vingt millions d’habitants, s’étire entre de vastes quartiers populaires situés sur la terre ferme et un réseau d’îles, où se concentre l’essentiel de l’activité économique. Résultat : des ponts pris d’assaut et des embouteillages monstres, dans la chaleur humide et les pots d’échappement hors d’âge. De quoi frôler quotidiennement la crise de nerfs.

Dans ce contexte, grimper à bord d’une rame flambant neuve, climatisée, filant sur une voie aérienne, relève presque du luxe. « Ce train va rallonger notre durée de vie. Il est bon pour notre santé », plaisante à peine Femi (il a préféré ne pas donner son nom). Ce directeur d’école, rentrant chez lui la mallette sous le bras, voit de nombreux autres avantages à emprunter la Blue Line, le premier train urbain de la plus grande métropole d’Afrique.

Le gain de temps, d’abord. Le trajet entre Marina, sur Lagos Island, et le quartier de Mile 2, où il réside, prend environ vingt minutes, contre plus de trois heures par la route. Le coût, ensuite : 750 nairas (environ 0,40 euro) au lieu des 1 000 nairas réclamés par les minibus privés qui sillonnent la ville (un prix qui peut grimper, pour suivre ceux des carburants, en hausse constante depuis dix-huit mois). La commodité, enfin.

La station Marina n’était certes pas très accueillante au départ, coincée entre une voie rapide bruyante et un quai où croupit une plateforme pétrolière. Mais, une fois emprunté l’Escalator, le décor devient lumineux, fonctionnel. Une carte magnétique (nommée cowry, du nom du cauri, coquillage qui fut, pendant des siècles, une monnaie d’échange en Afrique de l’Ouest) permet d’ouvrir les portillons vitrés et d’accéder au quai.

A bord du réseau express régional (RER), la classe moyenne scrolle sur son portable ou jette un œil aux petits écrans diffusant des clips d’afrobeats, le fameux hip-hop local. Pendant ce temps, la rame survole des zones industrielles remplies de décharges, de cimetières de camions disloqués et de flaques noirâtres. La voilà déjà au terminus, à Mile 2.

« Pour moi, le plus grand avantage c’est la fiabilité, témoigne Albert, un autre usager (sans donner son patronyme). Vous pouvez organiser votre programme et arriver à l’heure annoncée. » Une aubaine dans cette ville obsédée par le travail, où il n’est pas rare de jongler entre plusieurs gagne-pain pour boucler les fins de mois.

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