Au milieu de la guerre froide entre Patrick Drahi et ses créanciers, la state of affairs de SFR empire
Un message enregistré de dix minutes. C’est le temps consacré par la direction d’Altice France à la présentation, mardi 28 mai, des résultats du premier trimestre de l’opérateur télécoms SFR, principal actif du groupe de Patrick Drahi dans l’Hexagone. Aucune session de questions-réponses avec les analystes et les investisseurs comme elle a pourtant l’habitude de le faire chaque trimestre. Trop de demandes, a-t-elle justifié, mais c’est surtout une façon de ne pas aborder le sujet qui fâche : les 24,3 milliards d’euros de dette d’Altice France.
Le 20 mars, Dennis Okhuijsen, le conseiller financier de Patrick Drahi, et son trésorier, Gerrit Jan Bakker, ont mis les créanciers de l’opérateur dans une colère noire en les prévenant qu’ils ne récupéreraient probablement pas l’intégralité des sommes prêtées. Depuis, c’est la guerre froide.
Les créanciers, pour la plupart de grandes banques et fonds d’investissement anglo-saxons, se sont organisés en signant un accord de coopération les engageant à agir d’une seule voix. De son côté, Altice France a mandaté les banques d’affaires Lazard et JP Morgan pour l’aider dans ce dossier qui s’annonce comme le nouveau grand feuilleton financier français, avec des sommes en jeu quatre à cinq fois supérieures à celles de Casino et d’Atos.
Si les créanciers font bloc, Patrick Drahi, lui, semble prêt à jouer avec leurs nerfs. Dans son message de dix minutes, la direction a annoncé que XpFibre, la filiale de SFR dans le déploiement de la fibre optique, a remboursé un prêt d’actionnaire à Altice France pour un montant de 223,1 millions d’euros, et les actions de cette société ont été déplacées dans une holding dite « sans restriction » sur laquelle les créanciers n’ont pas de prise.
Il a fait de même avec Altice Media (BFM-TV, RMC…), la filiale d’audiovisuel en cours de cession à CMA CGM, et les centres de données vendues à un fonds de la banque américaine Morgan Stanley. Son message : sans effort des créanciers sur la dette, l’argent restera à l’abri dans ces holdings.
10 milliards d’euros d’intérêts depuis 2014
Chez Altice France, on relativise la colère des créanciers en rappelant que, jusqu’à présent, ils n’ont pas eu de raisons de se plaindre : depuis 2014, l’opérateur leur a payé plus de 10 milliards d’euros d’intérêts. Et avec un peu moins d’un milliard d’euros de liquidités, et sans échéance importante d’ici à 2027, Patrick Drahi pense pouvoir gagner une guerre d’usure avec des investisseurs qui aiment peu se retrouver ainsi bloqués. Certains commenceraient déjà à s’impatienter. Selon Bloomberg, la Société générale a cherché à revendre sur le marché une partie de ses créances mais n’a pas trouvé preneur.
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