Afrique de l’Ouest : AES et Cedeao, à chacun son sommet

L’un, prévu de longue date, est un rendez-vous diplomatique régional régulier. Dimanche 7 juillet, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se retrouveront en sommet ordinaire à Abuja, capitale du Nigeria. L’autre, qui est une surprise autant qu’un symbole, n’a été annoncé que deux jours avant. Jeudi, les autorités de transition nigériennes prévenaient de la tenue, samedi 6 juillet, à Niamey, du premier sommet de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), formée en septembre 2023 par les juntes au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

C’est la première fois que les trois dirigeants putschistes se réunissent. Les deux premiers, le colonel Assimi Goïta et le capitaine Ibrahim Traoré, sont arrivés à Niamey dès vendredi pour y retrouver le général Abdourahamane Tiani. L’AES, qui souhaite mettre en place un nouveau cadre de coopération militaire et économique entre ses Etats membres, affiche des ambitions souverainistes sur fond de rupture avec la Cedeao, jugée trop proche des Occidentaux, et de rapprochement avec la Russie.

Un projet de monnaie commune et de confédération serait aussi en discussion. En mai, les ministres des affaires étrangères nigérien, burkinabé et malien avaient ainsi évoqué un projet de texte instituant cette confédération qui serait « soumis aux chefs d’Etat pour adoption lors du prochain sommet ».

Depuis le coup d’Etat qui a porté le général Tiani au pouvoir au Niger, le 26 juillet 2023, la crise est béante entre la Cedeao et les juntes sahéliennes. Confrontée à ce nouveau putsch, l’organisation ouest-africaine avait alors menacé d’intervenir militairement, avant d’y renoncer et de mettre en place un ensemble de sanctions économiques. En face, les militaires au pouvoir à Niamey avaient pu compter sur le soutien immédiat de leurs voisins burkinabé et malien, déterminés à ne pas laisser ce nouvel allié tomber.

« Chemin de non-retour »

En janvier, les Etats de l’AES annonçaient leur retrait « sans délai » de la Cedeao. Depuis, la solidarité est le maître-mot des trois dirigeants. « Ils veulent montrer qu’ils ne sont pas isolés et qu’ils forment un bloc sérieux, explique Gilles Yabi, analyste politique et fondateur du cercle de réflexion Wathi. Mais il s’agit avant tout de postures politiques et d’effets d’annonce visant à afficher des progrès alors que les difficultés sont nombreuses sur le plan interne. » Sur le terrain, la situation sécuritaire, marquée par des attaques djihadistes qui ne diminuent pas, et humanitaire continue à se dégrader.

Face à une Cedeao affaiblie, l’AES entend profiter de ce premier sommet à Niamey pour afficher sa détermination à tracer sa propre voie. « Nos destins sont liés, nous avons pris un chemin de non-retour », assurait le colonel Assimi Goïta en juin, lors d’une visite au Burkina Faso.

Les juntes malienne, burkinabée et nigérienne surfent aussi habilement sur des opinions publiques hostiles à la Cedeao, considérée comme plus encline à condamner les putschistes que les présidents qui modifient la Constitution de leur pays pour se maintenir au pouvoir. « Les sanctions [contre le Niger] ont renforcé le sentiment patriotique des populations et consolidé la base politique des autorités militaires » au Sahel, notait un récent rapport de l’Institut d’études de sécurité (ISS).

Certains n’ont pourtant pas perdu espoir quant à un potentiel réchauffement des relations entre l’AES et la Cedeao. Le 30 mai, le chef de l’Etat sénégalais Bassirou Diomaye Faye s’est rendu au Mali et au Burkina Faso pour rencontrer Assimi Goïta et Ibrahim Traoré. « Je comprends que les positions soient figées. Mais je perçois dans chacune (…) une fenêtre d’ouverture et un fil, si tenu soit-il, du dialogue », avait-il déclaré à Ouagadougou.

Attaché à la Cedeao mais sensible aux discours de rupture de ses voisins sahéliens, élu triomphalement en mars en prônant le souverainisme et la lutte contre le néocolonialisme, le président Diomaye Faye est perçu par certains observateurs comme un potentiel médiateur entre les deux blocs ouest-africains.

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