En Normandie, « ce sont les deux poumons industriels des Andelys qui disparaissent »

Devant des pancartes de revendications, des employés de l’usine Europhane posent à l’entrée du site, aux Andelys (Eure), le 19 novembre 2024.

L’entreprise est située route de la Paix, mais sur place, le décor n’a plus rien de pacifique. Un mannequin de fortune, vêtu d’une combinaison blanche, est pendu par le cou à un panneau de signalisation à l’entrée de l’usine, avec écrit sur la poitrine en lettres majuscules « Salariés français sacrifiés ». Derrière lui, des banderoles sont accrochées sur les grilles : « 85 familles dans la rue » ou « Les Andelys désert industriel »… L’entreprise normande Europhane, qui fabrique depuis plus d’un demi-siècle des éclairages publics aux Andelys, dans l’Eure, doit fermer en janvier 2025. Son propriétaire, le groupe autrichien Zumtobel, l’a annoncé le 16 octobre lors d’un comité social extraordinaire.

Ce plan social de plus dans l’industrie française, après ceux annoncés chez Michelin et ArcelorMittal, a pris tout le monde de court – ouvriers, représentants syndicaux, élus locaux – et menace 85 emplois. La direction d’Europhane n’a pas voulu répondre au Monde, mais de source syndicale, Zumtobel, qui réalise plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, a choisi de réorganiser sa production en délocalisant ses usines installées en Autriche et en France vers la Serbie et le Royaume-Uni.

Aux Andelys, les ouvriers d’Europhane ont fait grève pendant trois semaines. « Mais on a dû reprendre le boulot parce que ça commençait à peser financièrement pour beaucoup de salariés », explique Frédéric Galian, le délégué syndical CFDT. Pour ces ouvriers, l’espoir de sauver leur emploi est mort, mais ils se battent pour le montant de leurs indemnités de licenciement. « On veut partir dignement et obliger la direction à prendre en compte toutes nos années passées ici », confie Frédérique Jullien, pilote de ligne lustrerie depuis trente-cinq ans à Europhane. A ses côtés, sa collègue Marie-José Lebray, monteuse-câbleuse et vingt-sept ans d’ancienneté, a du mal à masquer sa colère. « Les plans sociaux, on en entend parler à la télévision, mais là ça nous concerne, c’est très violent. On nous l’a annoncé comme ça, en quelques minutes, sans aucune humanité, boum, c’est terminé ! », s’étrangle-t-elle.

« Dumping social »

Une nouvelle réunion entre les syndicats et la direction d’Europhane est prévue jeudi 21 novembre pour tenter de négocier une prime de licenciement « supralégale ». « C’est un bras de fer qui commence, mais c’est aussi un calvaire, explique Franck Théroude, délégué syndical CGT. Sur les 85 salariés qui vont perdre leur emploi, la moyenne d’âge est de 54 ans avec trente et un ans d’ancienneté en moyenne. Autant dire qu’à ces âges, c’est très difficile de retrouver du travail dans le coin. »

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