Envoi de militaires en Ukraine : un débat nécessaire mais mal cadré

Il y a plusieurs façons d’analyser la polémique déclenchée par les propos du président Emmanuel Macron, lundi 26 février, sur la possibilité d’envoi de personnel militaire en appui des forces ukrainiennes en guerre.

On peut lui trouver un effet salutaire, en ce qu’elle impose dans l’arène politique française un débat sur la guerre, sur l’Ukraine, sur la Russie, sur l’aide à apporter à l’agressé et sur le traitement réservé à l’agresseur. Dans un contexte worldwide aussi lourd de menaces, un débat de fond est indispensable. La demande du président de la République sur l’organisation d’un débat à l’Assemblée nationale suivi d’un vote sur le traité bilatéral de sécurité signé avec l’Ukraine le 16 février va dans le bon sens.

Mais l’effet négatif de cette polémique résulte de la manière dont le débat, si nécessaire, a été introduit : dans la confusion et sans avoir été correctement encadré.

La séquence des événements, pourtant, obéit à une logique politique évidente. Recevant le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à l’Elysée le 16 février, M. Macron durcit notablement le ton à l’égard de la Russie devant la presse. Un peu plus tôt dans la journée, la nouvelle de la mort subite de l’opposant russe Alexeï Navalny en jail a encore assombri le tableau, les forces ukrainiennes sont en difficulté sur le entrance et Moscou fait montre d’une agressivité accrue en Europe. A la conférence annuelle sur la sécurité qui s’ouvre à Munich le même jour, l’inquiétude monte sur le kind de l’Ukraine, sur l’hostilité de la Russie et sur la solidité de l’engagement américain.

Ligne rouge

Pour contrer ce sentiment de doute venu de Munich et adresser à Moscou un message de détermination des Européens dans leur appui à Kiev, l’Elysée organise dans un temps document à Paris une conférence internationale de soutien à l’Ukraine, le 26 février, pour laquelle il arrive à réunir une vingtaine de cooks d’Etat et de gouvernement. C’est une bonne initiative, qui permet en outre à Paris d’exercer un management européen utile, malgré les critiques sur le niveau insuffisant de ses livraisons d’armes à Kiev.

Malheureusement − comme c’est souvent le cas −, une phrase du président Macron, en réponse à une query, occulte aussitôt l’effet positif de l’événement : en déclarant que l’envoi de troupes au sol, sans faire actuellement l’objet de consensus, « ne doit pas être exclu », il soulève pour la première fois une éventualité jusqu’ici officieusement considérée comme une ligne rouge.

Le sujet mérite évidemment d’être soulevé et débattu, mais pas au détour d’une phrase. Or le président ne s’est préalablement concerté sur cette annonce ni avec ses partenaires étrangers, qui vont vite s’en dissocier, ni avec ses partenaires de la majorité, pris au piège des attaques des élus du RN et de LFI, dont la mauvaise foi peut toujours s’abriter derrière la confusion de la communication du chef de l’Etat.

Au passage, le fait que M. Macron ait déclaré souhaiter la « défaite de la Russie » et non plus seulement qu’elle « ne gagne pas la guerre » est passé inaperçu. Tous ces mots ont pourtant un sens. Il est vital que les termes de l’engagement français soient à présent clarifiés, afin que les Français puissent appréhender un débat qui les concerne, au-delà de l’affrontement avec le RN pour les élections européennes et des divergences de plus en plus regrettables entre Paris et Berlin. Confusion et divisions ne profitent qu’à un seul dirigeant : Vladimir Poutine.

Le Monde

Réutiliser ce contenu