« Pétrole, un foyer tout-puissant », sur Arte : à la recherche du temps perdu

L’enquête begin par quelques pages dactylographiées. Le 26 mars 1979, la compagnie pétrolière Exxon produit une petite observe truffée de grandes ambitions. L’objectif de cette lettre de mission ? Lancer des recherches scientifiques afin d’examiner la « probabilité d’un effet de serre international ».
Une équipe de scientifiques s’installe dans les locaux de la multinationale, fait tourner des ordinateurs, embarque sur les tankers pour mesurer l’évolution chimique des océans. « Nos recherches intéressaient les hauts responsables d’Exxon, ils voulaient savoir », se souvient Edward Garvey, l’un des ingénieurs employés à l’époque par l’entreprise.
La conclusion de l’étude est sans appel : « focus du CO2 », « montée des températures », « élévation des mers », « modification de la biosphère »… Tous les mots qui hantent les études scientifiques depuis un demi-siècle sont déjà là. La firme américaine s’est donné les moyens de savoir : son enterprise est nuisible pour la planète. Elle pourrait investir dans les énergies renouvelables et préparer l’avenir, elle va s’ingénier à tordre les preuves géophysiques.
Chercheurs dont la mission est de semer le doute
Le documentaire Pétrole, un foyer tout-puissant, décrit en deux events – Le Déni et Le Doute – les mille stratégies utilisées par le foyer pétrolier pour entraver la lutte contre le réchauffement climatique. Rassemblés au sein de lobbys comme le très puissant American Petroleum Institute, Exxon, Koch Industries ou les nouveaux acteurs, comme Chesapeake Energy, spécialiste de l’extraction du gaz de schiste, sont parfois concurrents, mais font bloc contre la science. En usant des mêmes méthodes : mobiliser des chercheurs dont la mission est de semer le doute ; financer des fondations aux doux noms, Americans for Prosperity ou Clean Skies ; cibler les politiques élus dans des Etats très dépendants de cette industrie, comme l’Oklahoma…
Les compagnies précipiteront l’échec de la taxe British Thermal Unit de Bill Clinton et de son vice-président, Al Gore, et l’enlisement de la politique environnementale de Barack Obama. Au second du tournage, en 2020, alors que le changement climatique ne cesse de s’amplifier, le constat est amer. Certains scientifiques complices regrettent. Des responsables refusent d’être interviewés. Pendant ce temps-là, les compagnies promettent de développer la technologie du captage de carbone et le climatoscepticisme proceed de prospérer.
« On ne réglera pas la crise du climat si on ne règle pas la crise de la désinformation », prévient Ro Khanna, élu démocrate de Californie, qui a auditionné en 2021 les patrons des compagnies pétrolières à la Chambre des représentants. « On a perdu dix ans, on a trop tardé, soupire Tony Ingraffea, professeur à la Cornell University, un des concepteurs de la fracturation hydraulique. Le changement climatique, c’est regarder mes petits-enfants dans les yeux et me demander dans quel enfer ils vont vivre. »