« La reprise en important des funds locales par l’Etat est le signe d’un essoufflement de la décentralisation »
L’autonomie financière locale, modèle de gouvernance dans lequel s’enracinait la décentralisation, est en perdition. Ce modèle, qui associait autonomie fiscale (impôts spécifiques et vote des taux) et autonomie de gestion (globalisation de dotations et liberté d’utilisation des prêts) a pourtant été érigé en principe par la loi constitutionnelle de 2003. Mais ce n’était qu’une illusion juridique, car l’autonomie financière n’était déjà plus, à cette époque, que l’ombre d’elle-même.
En effet, ce modèle ne s’est installé que très provisoirement jusqu’au début des années 1980, pour ensuite progressivement et inexorablement régresser sous les effets des allégements fiscaux qui se sont multipliés à partir de 1982 (dégrèvements, exonérations) et de la suppression de deux grands impôts – la taxe professionnelle en 2010, puis la taxe d’habitation entre 2018 et 2023 –, engendrant une disparition partielle ou quasiment totale de l’autonomie fiscale des communes, des départements et des régions. L’existence d’un principe d’autonomie fiscal, dont la réalité faisait débat, a même été clairement réfutée par une décision du Conseil constitutionnel, en 2009, mettant un terme aux discussions, tout au moins sur le terrain juridique.
Ces suppressions d’impôts et cette décision ont couronné un processus allant dans le sens d’une remontée du pouvoir fiscal vers l’Etat. Ainsi, en dépit des qualités qui lui étaient autrefois attribuées (dynamisation de la démocratie de proximité, renforcement du consentement à l’impôt), l’autonomie financière locale s’est trouvée amputée et la gouvernance financière locale déstructurée.
Changement d’état d’esprit
Cette évolution a été accentuée par la volonté de faire participer les collectivités territoriales à la soutenabilité des finances publiques du fait de leur appartenance, avec l’Etat et la Sécurité sociale, au périmètre de l’équilibre global des finances publiques imposé par le traité de Maastricht (1992). Ce qui explique en partie que l’Etat tente d’opérer une ponction sur leurs ressources ou encore de limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement, réduisant ainsi leur autonomie de gestion.
En fait, cette politique n’est pas nouvelle. Depuis des dizaines années, bien avant Maastricht, des rapports la réclamaient. Dès 1986, le gouvernement, inquiet de la progression des dépenses publiques, demandait à un conseiller maître à la Cour des comptes et à un préfet de lui remettre un rapport sur les dépenses des collectivités locales (rapport Raynaud-Feuilloley). Les auteurs constataient que les dépenses locales évoluaient plus vite que celles de l’Etat et qu’il serait nécessaire de leur fixer une norme de référence. Par la suite, d’autres rapports poursuivirent dans le même sens, et de multiples dispositifs furent mis en place pour tenter de réguler les dépenses locales, sans réel succès.
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