Energie : « Nos politiques devraient assumer leurs responsabilités plutôt que de chercher des boucs émissaires comme l’Allemagne »

L’abandon du nucléaire serait un fiasco que Berlin s’entêterait à vouloir nous imposer. La réforme des marchés énergétiques européens, en octobre, a permis encore une fois de mettre en scène l’opposition franco-allemande, qualifiée par certains de véritable « guerre ». Mais on se trompe sur les faits. Pire, on se trompe d’ennemi, faisant ainsi le jeu de la Chine et des Etats-unis.
Début 2023, l’Allemagne fermait ses trois derniers réacteurs nucléaires. Au même second, elle relançait plusieurs centrales à charbon. N’était-ce pas la preuve que nos voisins compensaient une énergie pilotable (et décarbonée) par une autre (plus polluante) ?
Il aurait pourtant fallu rappeler que depuis dix ans, dans le silence, une vingtaine de centrales thermiques avaient été fermées outre-Rhin. Depuis, la half des énergies fossiles dans le combine allemand n’a fait que baisser, de même que les émissions de CO2 – nonobstant le petit rebond de 2022 que l’on doit à la crise énergétique et que l’on observe partout ailleurs.
Allemagne : 212 milliards d’euros pour accélérer la transition
Certes, la décarbonation aurait été bien plus rapide si l’Allemagne avait conservé ses centrales nucléaires, mais c’est une démocratie dont le peuple s’oppose à l’atome pour des raisons culturelles. Quoi qu’on en pense, l’Allemagne a donc mené une politique ambitieuse, avec des effets réels, en restructurant tout son système énergétique en l’espace d’une génération seulement.
Aujourd’hui le pays n’est pas menacé de pénurie (il est même un exportateur internet), et ce, même si la consommation d’électricité doit augmenter de façon significative. Certes, les Allemands sont légèrement en retard sur leur objectif de réduction de 95 % des émissions carbone entre 1990 et 2050, mais celui-ci était les plus ambitieux de tous les grands pays industrialisés.
Berlin met d’ailleurs les bouchées doubles, en annonçant au mois d’août un investissement de 212 milliards d’euros pour accélérer la transition. C’est un fait : les Allemands défendent leur imaginative and prescient d’une écologie dénucléarisée, notamment chez leurs voisins les plus proches. Ils ont également fait pression pour que ferme la centrale de Fessenheim – et on peut le comprendre : la France avait eu l’indélicatesse de construire ces réacteurs à la frontière des deux pays… Néanmoins, les critiques de l’Allemagne tombent souvent dans la paranoïa.
France : manque de moyens et absence de stratégie
En témoigne par exemple le titre de la récente publication de l’École de guerre économique, une école privée « d’intelligence économique » : « Rapport d’alerte, ingérence des fondations politiques allemandes et sabotage de la filière nucléaire française », (juin 2023). Bien peu d’éléments sont versés au file. Le rapport concentre ses attaques sur deux fondations germaniques, orientées à gauche, dont les « manœuvres » se limitent pour l’essentiel à publier des rapports. En fait de complot, on a connu plus fourbe.
Il vous reste 45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.