« En Inde, l’affaiblissement de Narendra Modi fragilise le capitalisme de connivence »
La déconvenue électorale du premier ministre indien, Narendra Modi, le 4 juin, en a entraîné une autre, qui se chiffre en milliards de dollars. Le score mitigé du parti au pouvoir, le Parti du peuple indien (BJP, pour Bharatiya Janata Party), qui, avec une minorité de 240 députés sur un total de 543, doit gouverner au sein d’une coalition, a fait plonger en Bourse les entreprises du conglomérat Adani. Près de 45 milliards de dollars (41,9 milliards d’euros) de valorisation sont partis en fumée en une seule journée.
Gautam Adani, fondateur du groupe du même nom, est connu pour sa proximité avec le pouvoir nationaliste et autocratique de M. Modi, originaire, comme lui, du Gujarat, dans l’ouest du pays. Son groupe, présent dans les infrastructures, l’énergie, la défense, l’aérospatial ou encore le secteur minier, dépend en grande partie des marchés publics ou des concessions. Lorsque M. Modi devient ministre en chef de l’Etat du Gujarat, en 2001, la fortune de M. Adani est évaluée à 70 millions de dollars. Elle a bondi à 7 milliards quand M. Modi est devenu premier ministre, en 2014. Depuis lors, l’homme d’affaires s’est hissé au rang des plus grandes fortunes d’Asie, avec une fortune évaluée à 140 milliards de dollars.
Sa dégringolade boursière souligne la vulnérabilité du capitalisme indien, dit « de connivence ». Lorsqu’une entreprise dépend des faveurs d’un dirigeant, le moindre revers électoral provoque son effondrement comme un château de cartes. La protection de l’Etat offre aussi une certaine impunité, ce qui augmente les risques – et les soupçons – de fraude. L’autorité indienne des marchés financiers enquête sur de possibles manipulations et fraudes comptables ayant permis de gonfler artificiellement la valorisation du groupe Adani, comme l’a pointé le fonds spéculatif américain Hindenburg Research, dans un rapport publié en 2023.
Endettement doublé en cinq ans
Le quotidien Financial Times a révélé, dans une enquête publiée en mai, que le groupe indien avait escroqué une compagnie publique d’électricité du sud de l’Inde en lui fournissant un charbon de plus mauvaise qualité que celui qu’il lui avait vendu. Une fraude qui lui aurait rapporté plusieurs centaines de millions de dollars. Des accusations toutes rejetées par Adani. En dépit de ces fragilités, le groupe reste courtisé. Le pétrolier TotalEnergies a noué plusieurs partenariats avec lui et, surtout, les banques lui ont prêté des sommes colossales, doublant son endettement au cours des cinq dernières années.
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