En Allemagne, le spectre du déclin

« Hubris », « arrogance », « certitudes ». C’est ainsi que, au cours de l’automne, on parle de Volkswagen, à Wolfsburg, cette ville créée tout spécialement pour accueillir les premières usines et les salariés du célèbre constructeur allemand, en 1938, entre Berlin et Hanovre, dans le Land de Basse-Saxe (nord-ouest). Cette cité de 126 000 habitants, unique en son genre, abrite encore la plus vaste usine automobile du monde, dont elle dépend presque intégralement puisque la moitié de la population y travaille. Au point que Wolfsburg est parfois surnommée « Autostadt », « la ville de la voiture ».

Avec ses quatre immenses cheminées de brique rouge surplombant fièrement le Mittelkanal, ses milliers de véhicules alignés sur le parking, ses musées, ses rues et ses boutiques de produits dérivés frappés du macaron bleu « VW », le site a pour l’instant été préservé des fermetures et licenciements prévus dans d’autres usines du pays. Wolfsburg demeure la ville la plus prospère d’Allemagne, celle où les salaires sont les plus élevés du pays : 46 euros de l’heure en moyenne. Une vitrine du « made in Germany », ce label synonyme de qualité de fabrication et de bons salaires. Mais l’inquiétude est palpable.

Le constructeur, premier employeur industriel allemand, a raté le tournant de la voiture électrique et envisage de fermer trois usines outre-Rhin, une première dans son histoire. « Cette crise est beaucoup plus grave que les précédentes », déplore Dennis (qui n’a pas souhaité donner son nom), ouvrier âgé de 50 ans, dont la moitié passée à l’usine, qui enchaîne les cigarettes brunes au comptoir du Bar du Tunnel, avant de prendre son service. « Cela fait plus de cent ans qu’on fait des véhicules à combustion, mais, tout d’un coup, c’est fini. »

« Symbole abîmé »

Tous les ouvriers le savent : il ne s’agit pas seulement de l’usine. Volkswagen, c’est une « Allemagne miniature, décrit Dirk Wagner, l’aumônier de Wolfsburg, qui reçoit les salariés du constructeur. C’est le symbole du miracle économique de l’Allemagne d’après-guerre ». Et de ses rêves de puissance et de grandeur, d’hier et d’aujourd’hui. « Volkswagen est un substitut d’identité pour les Allemands, explique le sociologue Stephan Grünewald, directeur de l’institut d’opinion Rheingold. Après la guerre, nous avons cherché des symboles nationaux à célébrer : le deutschemark, l’équipe nationale de football et Volkswagen. C’est effrayant pour la société allemande qu’un tel symbole soit abîmé. »

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