Embarras et critiques après l’annonce par la Pologne d’une doable suspension partielle du droit d’asile
L’annonce a surpris par sa radicalité, jusque dans les rangs de la coalition démocrate qui dirige la Pologne depuis décembre 2023, et a pris de court l’opposition nationaliste du parti Droit et Justice (PiS). Lors d’une convention de son parti, la Coalition civique (KO), samedi 12 octobre, le premier ministre libéral Donald Tusk, ancien président du Conseil européen (2014-2019), a annoncé qu’il voulait suspendre partiellement le droit d’asile pour les migrants qui entrent illégalement dans le pays et qu’il demanderait à l’Union européenne (UE) « d’avaliser cette mesure ». « Nous n’allons respecter ou appliquer aucune idée européenne qui (…) enfreigne notre sécurité et je pense ici au “pacte migratoire” [adopté par l’UE en mai]. »
Cette annonce a provoqué la surprise et la consternation au sein de la coalition démocrate, et une levée de boucliers des organisations de défense des droits humains. Les membres du parti de la Gauche unie ou les chrétiens-démocrates du parti Pologne 2050 ont affirmé ne pas avoir été préalablement consultés, et beaucoup ont fait part de leur désaccord avec cette idée.
Lundi 14 octobre, une cinquantaine d’organisations de la société civile, dont la plupart des associations de défense de l’Etat de droit qui soutiennent la politique du gouvernement dans sa restauration des normes démocratiques après huit années de gouvernance populiste, ont adressé un appel au premier ministre, soulignant qu’une telle mesure serait contraire à la charte européenne des droits fondamentaux ainsi qu’à la constitution polonaise.
« Nous tenons à vous rappeler que le droit d’asile est un droit humain, a pour sa part indiqué la branche polonaise d’Amnesty International. La suspension injustifiée de ce droit, même temporairement, est inacceptable et contredit, entre autres, la convention de Genève et la Déclaration universelle des droits de l’homme. »
Instrumentalisation de la migration
La Pologne fait face, depuis l’automne 2021, a une crise à sa frontière orientale, le long de laquelle les régimes russe et biélorusse ont organisé une nouvelle route migratoire à travers les forêts de Podlachie, alimentée par de vastes filières depuis les consulats russes en Afrique et au Proche-Orient. Du point de vue de Varsovie, cette utilisation de l’immigration à des fins de déstabilisation politique est perçue comme une « guerre hybride » menée par ces deux régimes. « Nous savons tous comme cette situation est utilisée par [le dirigeant biélorusse] Alexandre Loukachenko, par Poutine, par les passeurs et trafiquants d’être humains, à quel point le droit d’asile est exploité de manière exactement contraire à son essence », s’est justifié samedi M. Tusk.
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