Captage et stockage du CO₂ : « Il est difficile de distinguer ce qui relève du lobbying industriel et de l’experience »
Après avoir profité durant plus d’un siècle de l’extraction du carbone, l’industrie pétrolière est en passe de rendre profitable le processus inverse grâce à des subventions publiques en faveur de la capture et du stockage souterrain du dioxyde de carbone (carbon capture and storage, CCS).
Début octobre, le gouvernement britannique s’est engagé à verser 22 milliards de livres (près de 26,4 milliards d’euros) sur les vingt-cinq prochaines années à des entreprises comme Equinor (ex-Statoil), Shell, ENI ou BP. Cette décision a suscité une vive controverse : technique de dépollution, le CCS est lui-même polluant et énergivore. Le procédé consiste à faire passer les déchets gazeux dans un solvant chauffé pour en extraire le CO2. La consommation électrique est considérable, le solvant se dégrade, générant des résidus dangereux.
La principale justification du CCS repose sur les scénarios « Net Zéro » du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui comptent sur des dizaines de milliards de tonnes de CO2 captés d’ici à 2050, et bien plus encore après cette date. Le problème est qu’il est difficile de distinguer ce qui relève du lobbying industriel et de l’expertise tant la littérature sur ce sujet est étroitement liée à la recherche et au développement (R&D) des entreprises pétro-gazières.
Place considérable
Si l’on reprend le fil de son histoire, le CCS a longtemps été considéré comme une option rocambolesque. Dans les années 1980, les premiers rapports américains le jugent impraticable à grande échelle. Le GIEC a longtemps suivi cet avis. Son rapport de 2001 soulignait que l’électricité fossile avec CCS reviendrait plus cher que le nucléaire. En revanche, ses rapports de 2014 et 2022 accordent une place considérable à cette technologie. Que s’est-il passé pour expliquer un tel changement de doctrine ?
En 1992, les compagnies pétrolières s’allient avec l’AIE pour former l’IEA Greenhouse Gas R&D Programme (IEAGHG), un think tank chargé d’étudier et de promouvoir le CCS. A partir de 1997 se tiennent des conférences bisannuelles sur le CCS : les Greenhouse Gas Control Technology, sponsorisées par l’industrie fossile. Un corpus scientifique sur le sujet commence à émerger et, lors de la COP7 de Marrakech (2001), les gouvernements, poussés par les Etats-Unis, demandent au GIEC d’étudier l’option des CCS.
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