Au « Washington Post », une crise majeure et existentielle

Le PDG du « Washington Post », Will Lewis, à Washington, le 5 novembre 2023.

Lorsque Donald Trump est élu président des Etats-Unis, en novembre 2016, le Washington Post inscrit en une : « La démocratie meurt dans les ténèbres ». En réalité, ces années Trump ont été extraordinaires pour le quotidien. Mais, comme CNN, le quotidien qui a révélé le scandale du Watergate et a provoqué la chute de Richard Nixon n’arrive pas à se remettre de l’après-Trump.

Le Post a perdu la moitié de son audience, avec 50 millions de visiteurs uniques fin 2023, contre 101 millions en 2020, alors que son nombre d’abonnés est passé de 3 millions à 2,5 millions, selon le New York Times. Il a accumulé 77 millions de dollars (71,7 millions d’euros) de pertes l’an dernier. C’est dans ce contexte que la rédactrice en chef depuis trois ans, Sally Buzbee, a annoncé brutalement sa démission, le 2 juin.

Cette journaliste, qui avait effectué l’essentiel de sa carrière à Associated Press, a été remplacée avec effet immédiat et temporaire par Matt Murray, ancien rédacteur en chef du Wall Street Journal. Le calendrier de ce changement est très inhabituel, alors que les Etats-Unis entrent dans la phase la plus active de l’élection présidentielle, avec le premier débat Trump-Biden fin juin, les conventions de deux partis cet été et l’élection début novembre.

Redressement économique

Derrière les problèmes financiers du Post, d’autres histoires en poupée gigogne apparaissent, notamment la détérioration des relations entre Mme Buzbee et l’éditeur et PDG du Washington Post, le Britannique Will Lewis. La confiance s’est brisée définitivement, lorsque M. Lewis a voulu empêcher la parution d’un article sur ses activités passées, lorsqu’il travaillait pour les tabloïds du groupe de Rupert Murdoch.

D’abord, le redressement économique. M. Lewis, ancien patron de Dow Jones, la maison mère du Wall Street Journal, a été nommé à la tête du Washington Post pour redresser un titre en perte de vitesse et acheté 250 millions de dollars en 2013 par Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon.

Le quotidien, qui a 2 600 salariés dont 1 000 journalistes, a annoncé, fin 2023, la suppression de 240 emplois. Ses revenus numériques baissent plus vite que ceux du papier. « Pour parler franchement, nous sommes au fond du trou, et ce, depuis un certain temps, a déclaré, lundi 6 mai, M. Lewis à ses troupes. Les gens ne lisent pas vos articles, je ne peux plus l’édulcorer. »

Réorganisation

M. Lewis a décidé de réorganiser la rédaction en trois pôles indépendants : actualité, opinions et un troisième censé se concentrer sur les médias sociaux, comme la vidéo, ainsi que sur le journalisme serviciel. « L’objectif est de fournir aux millions d’Américains – qui estiment que l’information traditionnelle n’est pas pour eux mais souhaitent néanmoins être informés – des informations convaincantes, passionnantes et précises, là où ils se trouvent et dans le style qu’ils souhaitent », écrit le Post. « En créant trois fonctions journalistiques fortes – news, service/social et opinions –, nous nous éloignons définitivement de l’approche “taille unique”, et nous orientons nos efforts vers la rencontre de nos publics là où ils se trouvent », a déclaré M. Lewis.

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