Sur l’île grecque de Naxos, la plus grande des Cyclades, sous un soleil tapant de septembre, Stamatis Sergis, producteur de pommes de terre, déambule, la mine triste, dans son champ au sol craquelé. Dans sa commune agricole de Livadi, dont le nom signifie pourtant « prairie » en grec, pas une feuille ne pousse, alors que les semences devraient déjà être en terre depuis la fin du mois d’août.
« Habituellement, cette plaine est toute verte. Mais, cette année, toutes nos réserves d’eau sont vides, nos puits se sont remplis uniquement d’eau salée, inutilisable pour arroser nos plantations », explique le sexagénaire, dépité et inquiet pour l’avenir de son exploitation, ses deux enfants ne voulant pas prendre son relais. Les années précédentes, Stamatis Sergis récoltait entre 80 et 100 tonnes de patates. En 2024, il devra se contenter de 20 tonnes. La production totale sur l’île a baissé de 70 % en seulement deux ans, selon l’Union des coopératives agricoles de Naxos.
Dans les immenses hangars réfrigérés du collectif, seuls trois sacs de toile de jute, remplis de cette denrée précieuse pour les insulaires, ont été conservés. Dans la fabrique située en périphérie de la ville principale, Chora, tous les travailleurs sont à l’arrêt. « Normalement, les frigos sont pleins jusqu’en novembre. Désormais, il faudra attendre le mois de juin pour avoir à nouveau ces petits tubercules dans nos assiettes, car nous n’allons rien avoir non plus en décembre lors de la deuxième récolte annuelle », souligne Dimitris Benieris, responsable de la chaîne de production et de conservation de la coopérative de Naxos.
Deux jours de pluie en un an
Cette année, seulement deux jours de pluie ont été enregistrés sur l’île. Les deux grands réservoirs de Naxos n’ont eu que 220 000 mètres cubes d’eau, un tiers de la quantité recueillie en 2023. « La sécheresse menace tout le secteur, car les autorités n’ont rien prévu pour faire face à ce problème, alors que cela fait trois ans qu’il ne pleut presque pas ! », explique Dimitris Kapounis, le président de l’Union des coopératives agricoles de Naxos.
A Naxos, contrairement à d’autres îles touristiques des Cyclades, le secteur agricole continue de représenter plus de 50 % de l’activité économique. Près de 300 familles vivent de la production de pommes de terre de Naxos, un tubercule beurré et tendre en goût, cultivé sans engrais chimique depuis le XVIIIe siècle, sous appellation d’origine protégée (label AOP). Pour Dimitris Kapounis, cette crise plonge les agriculteurs « dans une grande détresse » car « ils n’arrivent plus à joindre les deux bouts », après avoir été confrontés à une « inflation qui a entraîné une hausse des coûts de production » depuis le début de la guerre en Ukraine.
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