« Mettre le sujet au cœur de l’action, c’est reconnaître que dans toute action il y a une dimension humaine et intersubjective », disait le sociologue Blaise Ollivier (1924-2007) lors d’une interview sur la parole difficile du sujet en entreprise. C’est ce que nous invitent à faire les nommés au prix Penser le travail 2024, à travers trois ouvrages sur des sujets aussi différents que la religion, les inégalités femmes-hommes et la souffrance au travail, mais qui portent un message commun : soyons tous responsables, en reconnaissant la place de l’individu dans les organisations.
Le prix Penser le travail, cofondé par Sciences Po et Le Monde, est chaque année l’aboutissement d’un an de lectures croisées. Quelque soixante-dix essais, manuels, enquêtes et autres témoignages sur le monde du travail publiés en 2023 par les maisons d’édition ont ainsi été soumis aux étudiants du master RH et gouvernance durable de Sciences Po, qui en ont présélectionné quelques-uns, par la suite mis en débats avec des responsables des ressources humaines, des journalistes du Monde et des professeurs de Sciences Po, sur six critères : la nouveauté du sujet, la qualité de l’argumentation, le fondement scientifique, la lisibilité, l’apport à la réflexion bien sûr et enfin la pertinence pour l’action, à laquelle les DRH sont particulièrement attentifs.
Parmi les trois nommés 2024, Les Entreprises et l’égalité femmes-hommes (Presses de Sciences Po, 2023), de Dominique Meurs, dresse un état des lieux des inégalités, aux responsabilités largement partagées entre employeurs, partenaires sociaux, salariés et éducation nationale. Les inégalités persistent sur les salaires et l’évolution de carrière. En confrontant les études de chercheurs et les dispositifs mis en place dans les organisations avec plus ou moins de succès, l’économiste met le doigt sur ce qui se passe sur le lieu de travail au regard de l’évolution des normes et des réglementations.
« Le sujet est figé »
Les politiques publiques ont imposé l’index de l’égalité femmes-hommes aux entreprises pour corriger les écarts de rémunération ; « les entreprises sont nombreuses à chercher à innover », note l’économiste, mais avec une efficacité qui reste toute relative. « Le sujet est figé », constatait un DRH au cours des débats. Les responsables des ressources humaines témoignent d’« une frustration extrême face à cette inertie » et ont lu cet ouvrage comme « une invitation à reprendre le sujet ».
En décrivant le travail en situation – des sanctions aggravées pour les femmes ayant des responsabilités, des recrutements qui s’attardent plus sur les profils que sur les compétences, une tolérance coupable face aux attitudes sexistes –, Dominique Meurs ouvre des pistes de réflexion qui renvoient chacun à ses responsabilités. La sociologue suggère notamment de renforcer les compétences statistiques des services RH, les formations, les quotas et le mentorat.
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