Les représentations du regard des jeunes sur le travail font l’objet de nombreuses publications tendant à diffuser des idées, des images et des portraits pour le moins contrastés de cette population.
Une première vision, positive et offensive, les associe à un modèle exaltant, symbole d’espoir et de transformation et donc à ce titre supposée distinct de celui de leurs aînés, conservateurs et dépassés par les mutations du travail.
Une autre version plus sombre, mais non moins tenace, tend à les décrire comme étant individualistes, désengagés ou matérialistes. Ils n’accorderaient plus une place aussi importante et centrale que leurs aînés au travail, et considéreraient celui-ci comme utilitaire et instrumental, voire dépourvu de « sens » ; enfin, ils seraient réfractaires à la relation hiérarchique d’autorité dans l’organisation.
Mais ces représentations largement médiatisées sont pour le moins discutables. Plusieurs recherches avaient déjà alerté sur ces stéréotypes (« Pour en finir avec la génération Y… enquête sur une représentation managériale », François Pichault et Mathieu Pleyers, Annales des Mines. Gérer et comprendre, n° 108, 2012). Les auteurs y relevaient que « les particularités supposées de cette génération [Y] sont minces, tout du moins en ce qui concerne les attitudes et les valeurs de ses membres au travail ».
Préjugés tenaces
De même, la synthèse d’une vingtaine de travaux centrés sur les différences au travail recouvrant quatre générations et de l’ordre de 20 000 personnes, conclut « qu’il n’existe probablement pas de différences significatives entre les générations pour les variables examinées » (« Generational Differences in Work-Related Attitudes : A Meta-analysis », David Costanza, Jessica Badger, Rebecca Fraser, Jamie Severt et Paul Gade, Journal of Business and Psychology, n° 27/4, 2012).
Cependant, le contexte aurait fortement évolué dans la période plus récente : la pandémie et ses effets différenciés sur les pratiques de télétravail, les conflits en Europe et au Proche-Orient, l’accélération des impacts de la crise climatique mondiale, etc., ont-ils changé la donne ?
Deux recherches récentes viennent confirmer qu’il s’agit bien de préjugés tenaces (Les Jeunes, des travailleurs comme les autres, de Suzy Canivenc, Presses des Mines, 2024 ; « Rapport au travail. Loin des stéréotypes, les actifs de moins de 30 ans sont motivés et engagés par leur évolution professionnelle », Terra Nova et Apec, février 2024).
Ils démontrent de manière convaincante que les jeunes actifs sont autant investis et engagés que leurs aînés dans leur rapport au travail – « 47 % le jugent plus ou aussi important que les autres pans de la vie contre (…) 36 % des 45 ans et plus ».
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