Depuis qu’il a pris, le 1er juillet et pour six mois, la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE), le premier ministre hongrois, Viktor Orban, fait preuve d’un activisme diplomatique au nom d’une prétendue « mission de paix » qu’il s’est attribuée à propos de l’Ukraine. Cette initiative pose deux problèmes à ses partenaires européens. D’abord elle ne relève d’aucun mandat. Ensuite elle s’affranchit des restrictions imposées par les Occidentaux à leurs relations avec Vladimir Poutine, qui a décidé de l’invasion de l’Ukraine et qui est par ailleurs sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.
En l’espace de quelques jours, après une première étape à Kiev pour sonder le président Volodymyr Zelensky, le dirigeant hongrois a en effet rencontré à Moscou le maître du Kremlin, avec lequel il entretient des relations suivies malgré la guerre, puis à Pékin le président Xi Jinping, et enfin Donald Trump dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride.
Il s’est précipité auprès de ce dernier, le 11 juillet, dès la fin du sommet de l’OTAN organisé à Washington par le président démocrate, Joe Biden. On reconnaîtra à Viktor Orban une indéniable constance : c’est la deuxième visite qu’il rend à Donald Trump en 2024. Il avait déjà qualifié l’ancien président républicain d’« homme d’honneur » après sa condamnation par la justice.
Cacophonie sciemment orchestrée
En un temps record, le premier ministre hongrois a donc réussi la prouesse de s’entretenir avec tout ce que l’OTAN et l’Union européenne, deux institutions dont son pays est membre, comptent d’ennemis ou d’adversaires plus ou moins masqués. A ce titre, cette tournée peut être considérée comme contrevenant aux intérêts européens. Le traité d’Amsterdam dispose en effet que les Etats membres doivent « s’abstenir de toute action contraire aux intérêts de l’Union ou susceptible de nuire à son efficacité en tant que force de cohésion dans les relations internationales ».
Viktor Orban profite d’une forme de vacance très temporaire du pouvoir au sein de l’Union. Il s’arroge de facto une compétence relevant du président du Conseil européen, qui, selon les traités, assure la représentation extérieure de l’Union au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. Son titulaire pour quelques jours encore est Charles Michel, auquel devrait succéder le Portugais Antonio Costa. La présidente sortante de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et la première ministre estonienne, Kaja Kallas, doivent en effet attendre l’approbation du Parlement européen, le 18 juillet, pour que la première retrouve son poste et la seconde devienne officiellement la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Le premier ministre hongrois cherche sans doute à redorer son blason auprès de son électorat, après le recul enregistré par son parti au scrutin européen. Mais la cacophonie qu’il a sciemment orchestrée ne peut perdurer sans affaiblir l’Europe. Viktor Orban assure qu’il n’est pas aussi isolé que ses détracteurs le disent. En attesterait la création, à son initiative, d’un nouveau groupe au Parlement européen, les Patriotes pour l’Europe, qui rassemble plusieurs formations d’extrême droite. Ce groupe, que présidera Jordan Bardella, président du Rassemblement national, sera le troisième du Parlement européen. Avec Viktor Orban, « Make Europe Great Again », le slogan qu’il a copié sur celui de Donald Trump, relève de l’antiphrase.