Le succès déroutant des marchés de Noël viennois

LETTRE DE VIENNE

A voir le nombre de bus qui stationnent le long du Ring, le boulevard qui encercle le centre-ville de Vienne, il y a fort à parier que la saison 2024 des marchés de Noël soit à nouveau de très bonne facture dans la capitale autrichienne. Les stands à vin chaud et les cabanons de bibelots ne désemplissent pas de touristes venus de toute l’Europe pour profiter de « la ville mondiale de Noël » ainsi que l’a rebaptisée la chambre du commerce dans son communiqué du lancement de la saison, mi-novembre.

Pendant six semaines – la plupart des marchés de Noël viennois ferment leur porte dès le 23 décembre –, les Autrichiens vont essayer d’oublier les difficultés de leur petit pays encalminé dans la récession depuis deux ans, les annonces de plans sociaux qui se multiplient et une extrême droite qui progresse à chaque scrutin – elle sera bientôt au gouvernement dans cinq des neuf Länder du pays – pour s’adonner à leur loisir de décembre favori : boire dans le froid une boisson chaude, alcoolisée et sucrée, à la composition indéterminée.

En Autriche, le traditionnel vin chaud est supplanté par le « punsch de Noël ». Cette boisson n’a pas grand-chose à voir avec le punch tel qu’on le connaît en France : elle consiste en un alcool réchauffé, un peu n’importe lequel, mélangé avec du jus de fruit ou du thé et des épices. A consommer avec modération, non seulement en raison de son niveau d’alcool mais aussi pour ses effets collatéraux sur le système digestif…

Alors qu’en France, la plupart des marchés de Noël sont uniquement dédiés aux achats de cadeaux, les Autrichiens en font d’abord un lieu de rencontre. Entre collègues, entre amis ou en famille, on s’y retrouve après la journée de travail à la nuit tombant. Si les Viennois sont dotés de magnifiques cafés réputés pour leur confort, en décembre, ils préfèrent étonnamment rester debout dans le froid glacial à siroter des tord-boyaux sur fond de chants de Noël entêtants.

« Tout est dans les chaussures »

Sans bottes rembourrées, impossible de pouvoir supporter cet art de vivre sans avoir envie de se réfugier au chaud au bout de 15 minutes. « Tout est dans les chaussures », m’avait fait remarquer un jour une consœur française très bien intégrée en Autriche, en moquant mes bottines. Depuis que le pays a connu un des épisodes d’inflation les plus forts du Vieux continent, il faut en plus compter au moins 5 euros pour un vin chaud ou un punsch, auquel s’ajoute une consigne prohibitive, de 5 euros également, pour une tasse à l’esthétique souvent peu attirante.

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