Peut-on encore coopérer dans le domaine du commerce international, alors que les politiques unilatérales se multiplient, et que le retour de Donald Trump à la Maison Blanche annonce de très fortes tensions dans ce domaine ?
Les Etats-Unis ont toujours été à l’origine des hauts et des bas de la gouvernance du commerce international. En 1948, les membres des Nations unies réunis à La Havane ont conclu les négociations destinées à créer l’Organisation internationale du commerce (OIC), troisième pilier, avec le Fonds monétaire international et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, du nouveau système économique global censé éviter les crises qui avaient mené à la seconde guerre mondiale. C’était une démarche novatrice, car aux règles du commerce proprement dit se sont ajoutées des normes de travail équitables, des règles sur les mouvements des capitaux et sur l’accès aux matières premières. Mais l’OIC ne verra jamais le jour, car le Congrès des Etats-Unis refusera de la ratifier !
Jusqu’en 1995, date de la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le commerce international sera donc soumis aux règles moins contraignantes de l’accord général sur le commerce et les tarifs signé en 1947 par 23 pays. L’OMC, en revanche, représente une avancée majeure en matière de gouvernance. Elle inclut un système de règlement des différends contraignant et unique sur la scène internationale ; elle édicte de nouvelles règles concernant les services et la propriété intellectuelle, nouveaux vecteurs du commerce international ; elle crée un mécanisme très élaboré de surveillance des politiques commerciales des pays destiné à éviter les mesures protectionnistes.
Car, in fine, une gouvernance réelle a pour objectif de dompter les pulsions unilatéralistes des Etats et des acteurs économiques. Et, de fait, depuis 1995, le commerce international s’est multiplié par cinq et l’interdépendance est devenue la règle dans un monde de multipolarité économique.
Le commerce a changé de visage
Mais, entre-temps, le monde a changé. La Chine et d’autres pays émergents réclament leur place dans l’économie internationale ; l’Afrique, auparavant réticente à l’ouverture des marchés, s’embarque dans la construction d’une zone commerciale panafricaine ; les Etats-Unis, autrefois constructeurs de l’OMC, accusent le commerce international de la montée des inégalités sur leur territoire et se désengagent graduellement des règles internationales. En 2008, à la veille de la grande crise financière, ils refusent d’avancer dans les négociations visant à mettre à jour les règles en vigueur, avant d’affaiblir le système de règlement des différends de l’institution en bloquant le fonctionnement de l’organe d’appel.
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