Immobilier et environnement : la ville africaine est le laboratoire du futur bioresponsable

Sur la presqu’île de Dakar, des dizaines de grues tournoient dans le ciel. Des camions toupies, flambant neufs, prêts à couler le béton dans l’heure, sillonnent les rues. Ici, on construit des immeubles de haut standing. A 50 kilomètres de là, en périphérie, dans la ville nouvelle de Diamniadio, les bulldozers s’affairent pour terrasser, préparer la voirie et dessiner les parcelles du nouveau lotissement. Les poteaux électriques se dressent déjà. Ils annoncent la ville. Elle sera bientôt là. Prochainement, demain.

A Dakar comme ailleurs en Afrique, la ville s’étale de plus en plus loin. Dans le même temps, elle se verticalise. En Europe, 80 % des bâtiments et des infrastructures qui existeront en 2050 sont déjà construits. En Afrique, c’est l’inverse : seuls 20 % existent déjà. Il y a tout à construire. Européens, Chinois, Turcs, Brésiliens et Africains se partagent les immenses marchés qu’offre le boom de la construction.

Le long du golfe de Guinée, la plus grande concentration urbaine est en train de voir le jour. Entre Abidjan et Lagos, en passant par Accra, Lomé et Cotonou, sur près de 1 000 kilomètres, le long d’une étroite bande de terre coincée entre l’océan et la lagune, plus de 35 millions d’individus vivent, circulent et construisent. Ils seront 50 millions en 2050. Ce corridor urbain se repère à la coulée de béton qu’il forme.

Le béton et le ciment, voilà le nouvel or gris de l’Afrique. L’homme le plus riche d’Afrique a d’ailleurs fait fortune en produisant et vendant du ciment : Aliko Dangote. Depuis les années 2000, l’homme d’affaires nigérian a ouvert des cimenteries sur tout le continent à partir de carrières de calcaire locales pour produire la précieuse poudre grise, laquelle, mélangée à du sable, à du gravier et à de l’eau, donne du béton.

Hier matériau d’importation réservé aux quartiers coloniaux et aux élites, le ciment est désormais produit localement et perçu comme 100 % made in Africa. En ouvrant ses cimenteries et en concurrençant les grands groupes européens, comme LafargeHolcim et Heidelberg, Aliko Dangote a « africanisé » le ciment. Il est remercié par les populations locales pour avoir fait baisser les prix.

Poudre grise et poudre blanche

Le ciment est un matériau éminemment politique : le prix de la tonne est généralement régulé par l’Etat, voire subventionné, comme d’autres biens de consommation courante tel le riz. En dehors du ciment désormais produit localement, tout est importé, principalement de Chine et d’Inde. Des usines d’acier ont certes ouvert récemment dans plusieurs villes, principalement détenues par des Libanais et par des Indiens. Mais, au dire des clients, la qualité et la quantité n’y sont pas. Et pour produire localement des fers à béton et des toits en tôle, il faut importer des bobines d’acier, entre autres d’Ukraine. Le conflit avec la Russie a eu un impact majeur sur les prix des matériaux.

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