En Suède, l’extrême droite en guerre ouverte contre le Comité suédois de lutte contre l’antisémitisme

La stratégie est désormais bien rodée. Chaque fois que le parti Démocrates de Suède (SD) essuie des critiques concernant son idéologie, les propos haineux tenus par ses élus et militants ou bien ses comptes anonymes sur les réseaux sociaux, la formation d’extrême droite, alliée de la droite gouvernementale, se dit victime d’une conspiration ourdie par la gauche. Depuis le 16 octobre, le Comité suédois de lutte contre l’antisémitisme est dans son viseur.

Fondé en 1983, cet organisme indépendant et reconnu agace depuis longtemps les Démocrates de Suède. En rappelant systématiquement l’histoire du parti, issu de la mouvance néonazie, ainsi que les dérapages réguliers de ses responsables, le comité contredit le discours officiel des SD, parti qui estime devoir être dédouané de tout soupçon d’antisémitisme en raison de son soutien sans faille à Israël.

« Tolérance zéro claire contre le racisme »

Visiblement excédés que les critiques du comité soient de nouveau évoquées lors d’un débat télévisé, le 13 octobre, le chef de file du parti, Jimmie Akesson, et quatre de ses lieutenants ont signé une tribune, trois jours plus tard, dans le tabloïd Aftonbladet. Ils y dénoncent « des accusations graves, mal étayées et qui semblent reposer sur des interprétations erronées et de pures inexactitudes ».

Admettant l’histoire problématique de leur formation – « il y a eu des individus aux opinions douteuses et aux liens avec des organisations extrémistes » –, ils assurent mener « un travail systématique et ciblé pour se débarrasser de ce type de problèmes, depuis au moins vingt ans », avec « une tolérance zéro claire contre le racisme et l’extrémisme ».

Dès le lendemain, la présidente du comité, Ulrika Knutson, a répondu dans les pages d’Aftonbladet. Selon elle, les tentatives du parti de se présenter comme « un modèle dans la lutte contre la haine à l’égard des juifs manque de crédibilité ». Elle accuse les SD d’instrumentaliser l’antisémitisme : ils « s’y opposent fortement lorsque la question peut être utilisée pour attaquer des opposants politiques et des minorités », mais sont « beaucoup plus indulgents lorsqu’il s’agit de déclarations dans leurs propres rangs », constate-t-elle.

Méthodiquement, Mme Knutson fait la démonstration de ce qu’elle avance, revenant sur les propos tenus par quatre des cinq signataires de la tribune. Richard Jomshof, président du comité des affaires juridiques du Parlement, déclarait ainsi en 2015 que les juifs de Suède ne constituaient pas un problème « car le groupe juif est tellement petit ». Björn Söder, ancien vice-président du Parlement, doutait en 2014 que les juifs puissent devenir suédois et reprenait en 2019 une théorie complotiste, affirmant que le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros était « celui qui tir[ait] les ficelles » de l’Union européenne.

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